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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/128

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

folk, baptisée dans la colonie du nom « d’Enfer sur terre » (Hell on earth), La perspective était effectivementt terrible : cet endroit était alors le lieu où l’on envoyait les forçats les plus dépravés et les plus incorrigibles : tous les jours il s’y commettait des crimes atroces, et les traitements, auxquels ces malheureux étaient soumis, étaient à l’unisson du caractère et des mœurs des habitants de cette affreuse localité.

Il paraît que de philanthropiques personnages, liés avec le gouvernementt canadien d’alors, avaient fait de nous une peinture aussi chargée que hideuse : cela, joint à l’effet produit par les articles mensongers et sanguinaires de certains journaux anglais de Montréal transmis à la Nouvelle-Galles du Sud, faisait qu’on s’imagina avoir affaire, en nos personnes, à des bandits prêts à tout entreprendre et à exécuter les plus grands attentats sans frémir.

Les dignes prêtres qui accompagnaient monseigneur Polding rivalisèrent de zèle avec leur digne évêque, pour nous préparer à accepter, en vue de Dieu, le sort qui nous attendait, quel qu’il fût. Le généreux Prélat dit avec nous une courte prière, nous renouvela sa bénédiction épiscopale et nous laissa, en nous disant qu’il allait, de ce pas, se rendre auprès du gouverneur, afin de solliciter pour nous la faveur d’être débarqués à la Nouvelle-Galles du Sud.

Le moment du départ de ces dignes ministres de la religion nous parut une véritable séparation ; mais déjà faits à la misère et au malheur,