M. Bourdon me répondit qu’il était époux et père, qu’en profitant de l’occasion qui lui était si généreusement fournie par les officiers du baleinier français, il pourrait s’en aller aux États-Unis, et y faire venir sa famille ; qu’au cas d’une amnistie il tâcherait d’obtenir d’y participer. Bref, il était, me dit-il, décidé à partir.
Il partit, en effet, avec le baleinier qui mit à la voile le matin suivant, emportant dans son sein mon camarade et ami. M. Bourdon a rendu compte de son voyage dans un écrit publié il y a déjà plusieurs années. Ce brave compagnon de mes misères est mort l’an dernier ; mais au moins il est mort sur le sol de la patrie, et la terre de sa naissance a reçu le dépôt de ses cendres à l’ombre de la croix d’un cimetière canadien.
Il me fallait trouver un nouvel associé ; car il était nécessaire d’être deux pour notre besogne. Dans l’état des affaires à Sydney, je n’eus pas de peine à le rencontrer parmi les exilés canadiens : ce fut M. Louis Ducharme. Le même jour que mon ami Bourdon mettait à la voile, et quand nous eûmes vu le navire qui le portait en dehors du port, nous prîmes, le sac de provisions sur le dos, le chemin de la forêt qui menait à notre chantier.
Nous nous mîmes bravement à l’ouvrage ; et, sans tenir compte de nos embarras, des mécomptes et de la fatigue, nous fendions des lattes du matin jusqu’au soir. Enfin deux semaines après notre retour au chantier,