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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/199

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

pays ! Être libéré était peu de chose pour nous à moins de retour au pays ; car esclaves ou libres, condamnés ou absous, la Nouvelle-Galles du Sud et toute autre terre que celle du Canada était pour nous l’exil.

Tout le monde ne sait peut-être pas que nous eûmes, presque tous les exilés aux terres australes, à pourvoir nous-mêmes à nos frais de retour jusqu’en Angleterre. Les généreuses souscriptions, faites dans nos campagnes et dans nos villes, pour subvenir aux dépenses de notre voyage furent déposées en Angleterre, et il nous fallut nous y rendre pour pouvoir obtenir des secours sur ce fonds, qui eût été, cependant, suffisant pour noliser un grand et bon navire, muni de toutes choses nécessaires, pour nous ramener tous de Sydney à Québec. Ce fut pour la plupart d’entre nous une source d’anxiété, de déboires, de retards et d’efforts incroyables.

Après avoir félicité mon bon vieil ami de son bonheur, et l’avoir consolé de sa tristesse, en lui faisant espérer de la Providence les moyens de regagner la patrie, je repris le chemin d’Irish-town, roulant dans ma tête des pensées d’espoir et de doute sur notre avenir, à nous qui n’étions pas, en apparence, inclus dans ce premier acte de pardon. Pourquoi cette différence, me demandais-je ? Aurait-on pris la détermination de borner là la clémence ? Enfin, je me faisais à moi-même toutes sortes de questions que le lecteur peut facilement imaginer, par induction, de l’exposé de la circonstance.