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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/32

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notes d’un condamné politique.

la nuit, tantôt couché sur des branches de sapin que j’avais recueillies, tantôt marchant autour de la cabane pour me réchauffer. Je ne voulus pas dormir, dans la crainte de ne pouvoir me relever.

À la pointe du jour, je me remis en marche, et, après avoir marché tout le jour, je me retrouvai dans un endroit que j’avais traversé la veille. Meurtri, mouillé, épuisé de fatigue et de faim, découragé, je me jetai au pied d’un arbre pour y attendre la mort. Recommandant mon âme à mon Créateur, je tirai de mon capot un petit livre de prières, qui ne m’avait pas quitté depuis mon entrée en campagne, et me mis à lire, pour me préparer au grand voyage de l’éternité.

J’avais à peine commencé mes oraisons, que j’entendis à une certaine distance le bruit de la hache d’un bûcheron : je me dirigeai vers l’endroit d’où partait ce bruit, et bientôt j’arrivai sans être vu tout près d’un brave colon, nouvellement arrivé dans la paroisse, dont je ne sais pas le nom, mais qui me connaissait. Il laissa tomber sa hache de surprise en m’apercevant tout à coup.

— Est-ce vous, M. Prieur, s’écria-t-il ?

Je lui racontai mon aventure dans le bois, et lui demandai à quel jour de la semaine nous étions. Il m’informa que nous étions au mardi : c’était le 13 Novembre. Ce ne fut qu’en ce moment que je compris que j’avais dormi plus de 30 heures sur le foin, c’est-à-dire depuis le