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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/34

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notes d’un condamné politique.

J’avais fait promettre à mon hôte de m’éveiller au bout de trois heures : ce qu’il fit. Pendant ces trois heures, il avait monté autour de sa demeure la garde la plus fidèle qui ait jamais été montée par un homme veillant sur la vie d’un de ses semblables… Brave ami, que Dieu le bénisse, lui et sa famille, et que sa noble action soit ajoutée dans la mémoire des canadiens à toutes celles qui ont honoré notre race !

J’étais tellement alourdi dans le moment, que je ne pensai pas à demander à mon hôte son nom ; depuis, il m’a été impossible de le découvrir.

Je m’habillai et mangeai quelque chose, bien que sans faim sensible (j’avais un peu de fièvre), puis mon généreux hôte me mit dans un sentier qui conduisait vers Saint-Timothée, et m’accompagna encore pendant quelque temps.

Je retournais vers Saint-Timothée, parce que je sentais l’impossibilité pour moi de gagner la frontière par la forêt. Mon nouveau projet était de tâcher de m’adjoindre quelqu’un aussi intéressé que moi à fuir vers les États-Unis, afin de prendre par eau, en remontant le lac Saint-François, la route de l’exil.

J’arrivai à la sortie du bois au matin du 14 Novembre : ne voulant pas me diriger vers les maisons de jour, je dus attendre toute la journée au bord du bois, sous une pluie glaciale, le retour de la nuit. Je repris ma route vers neuf heures du soir et, peu après, je frappai à la demeure d’un cultivateur de ma connaissance.