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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/53

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

et son coadjuteur Mgr Bourget vinrent nous apporter des consolations spirituelles : MM. les abbés Truteau et Lavoie, de l’Évêché, nos confesseurs, venaient à peu près tous les deux jours nous préparer à la mort. Si ces lignes arrivent jusqu’à ces dignes ministres de la religion, qu’ils veuillent bien accepter les remercîments que je leur offre du plus profond de mon âme, et qu’ils veuillent bien, eux, offrir à Dieu quelques aspirations, pour que les dispositions qu’ils m’ont inspirées, en vue de la mort du gibet à laquelle j’ai échappé, m’accompagnent en face de la mort quelle qu’elle soit qui devra me faire payer le tribut de la nature déchue de l’homme.

Pendant mon procès, mes parents vinrent de Saint-Polycarpe, pour me rendre visite. Arrivés à Montréal, à ce moment du jour où nous étions devant nos juges, mon père et ma mère s’étaient placés au pied de l’escalier extérieur du palais de justice. Au moment où, enchaînés deux par deux par les poignets, et conduits entre deux haies de soldats, nous reprenions le chemin de la prison, au sortir de l’audience, mes regards se rencontrèrent avec ceux des auteurs de mes jours. C’était au bas de l’escalier. À peine nous étions nous vus et reconnus que ma mère, prompte comme l’éclair, laissant le bras de mon père, s’élança vers moi en criant : — Ah ! ce pauvre enfant ! Et, comme ces paroles et la vue de cet élan maternel traversaient tout mon être, je vis les soldats écarter ma mère, que mon père avait suivie, pour l’entraîner loin du lieu de