Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1898, 2.djvu/6

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M. Alfred Lamouroux rend ensuite compte de la visite qu’il a faite aux fouilles du pont Alexandre-III. Il annonce que, sur la rive droite, les fouilles ont mis à découvert des pilotis bien conservés, qui sont les restes d’une tentative inachevée de construction, en 1824, d’un pont suspendu appelé, du nom de son constructeur, le pont Navier, et qui fut à Paris le premier essai de ce genre.

Du même côté, fut aussi trouvée une hache en silex polie ainsi qu’une médaille en plomb, d’un assez grand module, du xviiie siècle, ornée d’un sujet galant qui semble être une copie de Fragonard. Sur la rive gauche, on a recueilli quantité considérable d’objets non moins intéressants, réunis probablement en ce point par l’effet du remous que le fleuve forme de ce côté. Parmi ces objets, il faut signaler un certain nombre de poteries datant du moyen âge et de la Renaissance, un vase en étain du xviie siècle portant la marque du potier, quelques crânes humains, des ossements d’animaux divers, tels que bœufs, moutons, chevaux, sangliers ; puis quelques-uns d’une espèce particulière de petit bœuf disparue depuis le moyen âge ; enfin des dents de bœuf en telle quantité, qu’on aurait dit qu’il y en avait là une véritable carrière.

M. Lamouroux rappelle que des ossements de même nature avaient été déjà ainsi trouvés dans les fouilles de fondation de la tour Eiffel.

Il donne enfin lecture d’une lettre à lui adressée par M. l’ingénieur Alby concernant quelques-unes de ces trouvailles :

« Paris, le 10 février 1898.

L’Ingénieur ordinaire des Ponts et chaussées à M. Lamouroux, conseiller municipal.

Monsieur le Conseiller municipal,

Conformément au désir que vous avez exprimé à la fin de votre visite au chantier du pont Alexandre-III, j’ai l’honneur de vous faire connaître que les débris et ossements qui vous ont été présentés ont été trouvés dans une couche de sable d’environ 1 mètre d’épaisseur sur la rive gauche de la Seine.

Cette couche, située à environ 3 m. 50 c. en contre-bas du plan d’eau, est une couche d’alluvions modernes qui règne un peu partout dans le lit de la Seine au-dessous des terrains rapportés.

La hache en silex polie est le seul objet qui ait été rencontré sur la rive droite immédiatement au-dessus des alluvions quaternaires ou alluvions anciennes.

Indépendamment des objets que M. l’Ingénieur en chef Résal vous a montrés, nous avons recueilli deux pièces en bronze : une médaille de ce siècle et une monnaie de 1683.

Nous rencontrerons encore quelques objets, la couche de sable n’étant pas encore complètement extraite aujourd’hui.

Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller municipal, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Alby. »


En ce qui concerne la propriété de ces objets, M. Alfred Lamouroux ajoute qu’il les a revendiqués pour le musée Carnavalet au service de la Navigation, qui a répondu par la lettre suivante :


« L’Ingénieur en chef de la 2e section de la navigation de la Seine et des ports de Paris à M. Lamouroux, membre du Conseil municipal de Paris.

Paris, le 19 février 1898.

Monsieur,

J’ai fait part à M. le commissaire général Picard de votre désir de voir figurer au musée Carnavalet quelques-uns des objets trouvés dans les fondations du pont Alexandre-III. M. Picard est tout disposé en principe à vous donner satisfaction, mais il veut tout d’abord réunir tous les objets déjà trouvés ou à trouver dans les fouilles de l’Exposition.

Il pense qu’il y aura peut-être intérêt à placer ces trouvailles dans une vitrine de l’Exposition. Il ne pourra prendre de décision à cet égard qu’après que tous les terrassements de l’Exposition auront été terminés.

Quelque soit d’ailleurs le parti auquel il s’arrête, il est bien entendu qu’en fin de compte le musée Carnavalet prendra possession de tous les objets qui auront pu paraître intéressants à son conservateur.

Veuillez agréer, Monsieur le Conseiller municipal, l’expression de ma considération la plus distinguée.

Résal. »

M. Alfred Lamouroux ajoute que cette lettre donne évidemment satisfaction à la