Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1899, 2.djvu/17

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marbre noir, est gravé ce qui suit en lettres d’or :

POSUERE COLENDISSIMO PARENTI SUO FILII OMNES

INSCRIPSIT UNUS EX IIS ANTONIUS
TURGOT DE St CLAIR,
IN SUPREMA GALLIARUM CURIA

CONSILIARIUS.

De cette épitaphe, il ne reste rien ; pas plus que l’on ne trouve trace de la dédicace qu’inscrivit Antoine, le second des quatre fils.

Seulement, tout auprès des marches de l’autel, se rencontre une tombe de pierre de liais, le chef orné d’armoiries, mais dont la plupart des lettres sont effacées. La première ligne, juste au-dessous des armoiries donne les traces suivantes :


C. GÎ. . II. O. . .  D.

On a interprété ces vestiges de la façon suivante :


CI GÎT TURGOT....

Or jamais une inscription n’a eu ce libellé, et la lecture raisonnée donne :


CI GIST LE CORPS DE

Texte conforme au commencement de l’épitaphe mentionnée dans l’ouvrage de la Bibliothèque de l’Arsenal.

Ce n’est pas tout : au milieu de la pierre tombale on distingue encore très nettement le mot MAY à la fin de la huitième ligne et les chiffres 165 au commencement de la neuvième ; date qui correspond à la mort de Jacques Turgot et non à celle du ministre de Louis XVI.

Mais continuons. À gauche de cette pierre tombale s’en trouve, juxtaposée, une autre de même dimension : c’est celle que l’épitaphier de l’Arsenal décrit ainsi :

« Autre tombe plate de pierre de liais, proche et au costé senestre de la sudite tombe du Sr Turgot. »


Cy Gist et repose le corps de Me François Martin, prestre natif de Nantes en Bretagne, habitué en la Paroisse St Gervais, et vivant en communauté d’icelle lequel pour l’estime qu’il faisait de cest hospital ou il avait demeuré quelque tems chapelain, a désiré estre inhumé en ceste église, et a fait cet hospital légataire universel de ses petits biens. Pour mémoire de cette charité, les gouverneurs de ceste maison ont ordonné ceste pieuse reconnaissance, led. Sr est décédé en l’âge de 1659.

Dieu luy donne le repos éternel.

Si fruste que soit la pierre, nous avons pu, MM. Sellier, Coyecque et moi, lire la première ligne, la moins effacée de toutes et où les lettres subsistantes concordent avec le début de l’épitaphe :


CI GIST ET REPOSE LE CORPS DE Me F.....

Il n’y a aucun doute, cette pierre est celle que les gouverneurs des Incurables ont fait graver en 1660, en même temps que celle de Jacques Turgot, par le maître sculpteur Philibert Bernard. Les deux tombes sont à la place où le rédacteur de l’épitaphier les a vues quand il écrivait son si intéressant ouvrage, c’est-à-dire vers 1680. Elles n’ont pas été déplacées comme les autres pierres que l’on voit encore dans la chapelle, entre autres celle de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley.

Qu’y a-t-il sous la tombe de Jacques Turgot ? peut-être son cercueil, peut-être aussi ceux de son fils Antoine, et de son arrière petit-fils Benoit Antoine ; peut-être aussi celui du ministre Turgot ?

La levée de la pierre permettra seule d’élucider ce premier point, ce qui ne veut pas dire malheureusement que nous soyons assurés de trouver là la solution rigoureuse du problème que vous nous avez chargé de résoudre.

Mais en tout état de cause nous vous proposons d’émettre aujourd’hui même le vœu qu’une plaque commémorative soit apposée sur le mur de l’hôtel où est mort l’illustre homme d’État, et qui se trouve, vous l’avez vu, au 121 de la rue de Lille.

Signé : Georges Villain.


M. Georges Villain donne ensuite lecture des recherches entreprises, sur l’ordre du préfet de la Seine, à Bons (Calvados), par M. Coyecque, archiviste-paléographe du Département :


« Dans son étude sur Turgot (Collection des grands écrivains français, Paris, Hachette, 1891, in-8, p. 183), M. Léon Say déclare que l’ancien contrôleur général fut inhumé d’abord dans l’église de l’hospice des Incurables, puis transporté, à une époque qu’il n’indique pas, à Bons, en Normandie ; en 1793, le plomb ayant été réquisitionné, le cercueil que l’on savait sans doute en plomb — qui renfermait le corps de Turgot fut exhumé et les restes jetés dans un endroit aujourd’hui ignoré du cimetière de Bons.