Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1899, 7.djvu/24

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par l’effet d’une lettre d’un des propriétaires de la place, M. le marquis de Barthélemy, adressée au maire du IIIe arrondissement. L’auteur de cette lettre y fait valoir que cette plantation projetée sera sans utilité et qu’elle sera plutôt nuisible à l’aspect général de la place, dont les maisons sont uniformes ; elle sera, au contraire, très nuisible au commerce de la soierie et du mérinos qui y a établi depuis longtemps le centre de ses opérations, à cause de l’ombre que les arbres projetteront dans les entresols et les magasins, en masquant en même temps les enseignes qui doivent, être aperçues des passants. Par suite, le commerce serait forcé d’abandonner un quartier fort menacé déjà par la concurrence des quartiers nouveaux.

La lettre de M. de Barthélemy était du reste en parfait accord avec le sentiment des autres propriétaires de la place qui, réunis le 9 septembre 1847 dans le cabinet du maire du IIIe arrondissement, protestèrent dans les mêmes termes contre le projet en question et demandèrent en échange que les lanternes d’éclairage au gaz de la place fussent remplacées par des colonnes lampadaires établies sur la limite du trottoir, si bien que le préfet, M. de Rambuteau, dut prendre un arrêté le 20 novembre 1847 pour suspendre définitivement l’exécution du fameux projet do plantation d’arbres autour de la place des Victoires.

Cette fois l’Administration n’avait pas eu la main très heureuse dans ce prétendu projet d’embellissement dont, il faut le reconnaître, les nécessités commerciales nous préservèrent.

M. Haussmann eut certainement un souci beaucoup plus grand de la conservation artistique et monumentale de la place des Victoires. En effet, on trouve encore aux Archives de la Seine, cote V2 O1 E vu 68, une lettre de M. Haussmann adressée le 18 juillet 1854 au maire du IIIe arrondissement, relativement aux dispositions à prendre pour la mise en bon état de propreté des maisons de la place des Victoires. Dans cette lettre il invite ledit maire à convoquer les propriétaires des lieux : 1° pour les amener à convenir du système de nettoiement qu’il convient d’adopter en vue de conserver l’uniformité dans la teinte ; 2° pour leur rappeler que la conservation du genre d’architecture de leurs façades est obligatoire, que des contraventions aux plans primitifs.ont été commises et qu’il importe d’en rétablir la symétrie et l’uniformité.

Cette réunion eut lieu le 3 août suivant ; le commissaire-voyer de l’arrondissement, M Vertier, architecte, y assista, mais s’abstint de donner un avis. Dans la discussion, il fut d’abord question des enseignes, dont la suppression fut reconnue impossible, ce fut d’ailleurs l’opinion de M. le maire. On rappela qu’autrefois, les maisons de la place étaient des habitations particulières d’un ordre tout à fait exceptionnel. Depuis lors, leur destination a subi une transformation complète. Si jusquelà des négociants ont fait percer des ouvertures dans le rez-de-chaussée, si on y fait apposer des enseignes, cela s’est toujours fait en vertu de permissions accordées par l’Administration supérieure. Suivant M. le maire, on pourrait proposer d’uniformiser les enseignes, en laissant à. découvert les sculptures et les ornementations architectoniques, et en demandant au besoin le rétablissement de certains motifs de décoration disparus. Le procès verbal de cette réunion présente enfin l’adoption des conclusions suivantes (Arch. de la Seine, V2 O1 E vu 68) :

1° Les propriétaires de la place des Victoires sont prêts à restaurer les façades de leurs maisons d’une manière uniforme ;

2° Les rez-de-chaussée des maisons, ayant été percés de baies de boutiques avec l’autorisation de l’Administration, ne peuvent être rendus à l’ancien système d’architecture :

3° Les entresols étant fort bas et cependant occupés par des commerçants importants, il est impossible de ne pas couvrir les murs presque entièrement d’enseignes jusqu’à hauteur des balcons ;

4° Au-dessous des balcons, on pourrait, avec l’assentiment des commerçants, uniformiser le mode d’enseignes pour les premier, deuxième et quelquefois troisième étages ; mais il serait impossible de ne pas couvrir une partie des lignes architecturales par les tableaux auxquels on pourrait donner la forme la plus favorable, même en leur donnant une grande dimension.

Quant à la pensée d’uniformiser les devantures de boutique, sa réalisation présenterait d’assez grandes difficultés, les baies ouvertes étant différentes, suivant, l’étendue des maisons, ou le genre de commerce exercé dans les boutiques ; nous ajouterons qu’elle serait sans utilité si l’Administration était résolue à laisser sur la place une station de fiacres et de cabriolets qui masque entièrement le rez-déchaussée des maisons.

L’essentiel est la restauration des murs de façade que les propriétaires vont faire immédiatement commencer, ainsi que la peinture