Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/204

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des soins qui absorbent son attention. La mise en scène est habile et l’effet saisissant.

On remarque aussi, du même auteur, un intérieur breton et une jeune fille lisant la Bible à son vieux père ; ces deux tableaux se recommandent par des qualités sérieuses.


M. V. CANET entretient la Société d’une traduction en vers de plusieurs élégies de Tibulle, par M. A. Crespon, avocat. Cette traduction a été publiée par fragments, il y a dix ans, dans le journal Le Castrais. C’est une œuvre consciencieuse, et qui révèle des qualités auxquelles on est toujours heureux de rendre hommage.

Le nom de Tibulle rappelle un des plus élégants poètes latins. En réveillant les souvenirs d’Horace et de Virgile, de Catulle et de Properce, il conserve une place modeste après les deux premiers ; mais il s’élève au-dessus des deux autres, autant par le mérite relatif d’une réserve réelle, et d’une espèce de pudeur dans la passion et dans sa peinture, que par les qualités éminentes d’une forme qui se plie, avec une souplesse merveilleuse, à tous les tons, et sait prendre, sans efforts, les caractères les plus divers.

On sait combien la vie d’un écrivain se reproduit dans ses œuvres, et combien est profonde l’empreinte qu’elle y laisse. Tibulle avait été privé de son patrimoine sous le dernier triumvirat, et il ne lui resta qu’un petit bien de campagne qui suffisait à peine à son existence. Il ne fut pas heureux dans les attachements de son cœur, ou dans les égarements de ses passions. Délie, Némésis, Néère, l’abandonnent ou le trahissent. Voilà deux aspects dans sa vie : le premier est heureux, calme et pur. Délivré de la richesse qui, par souvenir lui devient importune, — les poètes ont toujours ainsi pensé, dans leurs vers, — il vit dans la médiocrité. La campagne lui plaît ; il en goûte les douceurs, il en célèbre les charmes. L’injustice n’a pas laissé de trace dans son âme. Il ne se plaint pas des hom-