Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/207

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dans ses effets, sans pouvoir le surprendre nulle part dans ses efforts. Il s’est attaché à ne rien négliger, et s’il n’a pas tout rendu, on sent qu’il n’a rien dédaigné. Ce travail est sensible partout. La traduction a été pour lui une lutte ; et s’il n’est pas étonnant que le génie l’emporte sur un terrain qui est le sien, il y a toujours du mérite à ne l’avoir pas abandonné, après y avoir mis le pied, et à faire constater qu’on y a laissé des traces profondes de sa persistance, de sa souplesse et de sa force.

M. Crespon a adopté un mode libre pour ses vers. C’était le moyen de donner au style plus de variété, et d’éviter un grave inconvénient. Quel que soit le mouvement des élégies de Tibulle, la monotonie serait venue bien vite dans une série de vers de même nature, et de rimes également disposées. D’ailleurs, l’esprit acquiert ainsi une liberté dont il a besoin pour se soustraire à la tentation de multiplier les épithètes ou de tomber dans les redondances. Ce choix est d’abord une preuve de goût, et M. Crespon en a tiré, pour premier profit, une plus grande fidélité dans la traduction.

Ce n’est pas que cette fidélité se retrouve dans toutes les élégies au même degré. Les premières l’emportent sur les autres par la netteté du style, l’exactitude de l’expression, et la vivacité du tour. D’un côté, les allusions sont saisies et rendues, de l’autre, elles ne sont qu’indiquées. Ici, les usages romains revivent avec leurs antiques caractères ; les dieux, avec leurs attributs, se présentent sous leur aspect le plus saisissant ; tandis que là, des termes vagues, des désignations incomplètes, remplacent la sobriété vive et substantielle du poète latin.

M. A. Crespon écrit purement, il manie la langue avec facilité, il en connaît les ressources. Quelques légères taches dans la versification, quelques impropriétés dans les termes, des formes quelquefois indécises ou vagues, et qui sont bien loin de l’élégance exquise de Tibulle,