Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/215

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trouve plus ou moins de facilité d’expansion, suivant le milieu où il se produit, il est certain qu’une civilisation quelle qu’elle soit, qu’une religion quelque étendu et assuré que soit son empire, ne peuvent le créer. Le génie est une supériorité naturelle qui tient sans doute du travail et des circonstances un mérite particulier, mais que rien ne pourra jamais faire éclore, s’il n’est pas déposé en germe dans une âme. Voilà pourquoi nous trouvons souvent dans les créations de l’imagination des premiers temps d’un peuple, une hauteur et une perfection auxquelles les époques suivantes n’ont pu atteindre. Homère vivait au sein d’un état social de beaucoup inférieur à celui des époques qui ont applaudi Sophocle et Euripide, Virgile et Horace, et dans les temps modernes, le Tasse, Milton, Corneille. Cependant, est-il un de ces génies qui puisse lui être comparé ? Sa poésie n’a-t-elle pas en grandeur, en simplicité, en naturel, une supériorité qu’il n’est pas possible de contester ? Ses créations épiques ne sont-elles pas marquées d’un caractère particulier qui les revêt d’une beauté toujours nouvelle, et le rend, suivant une belle expression

Jeune encore de gloire et d’immortalité ? (Chénier).

Dans les études comparées des temps anciens et des temps modernes, on n’a peut-être pas donné à cette observation l’importance qu’elle a : on ne lui a pas reconnu le rôle qu’elle doit jouer. Les productions du paganisme sont bien supérieures à celles du christianisme, ont dit certains esprits qui ont souvent manqué de raison, parce qu’ils ont presque toujours manqué de foi. Ils ont cité des hommes et des œuvres, et ils se sont écriés : que les temps modernes nous présentent quelque chose d’aussi parfait comme création, quelque chose d’aussi élevé comme génie ! Ils avaient raison pour le fait lui-même ; car si Homère et Sophocle n’ont pas été surpassés, les Vénus de Milo et de Médicis, l’Apollon du Belvédère, et le groupe du Laocoon n’ont pas de rivaux.