Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/249

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n’allait pas aux ouvrages qui demandent de puissants efforts, et qui semblent le privilége de quelques-uns, elle s’arrêtait volontiers aux genres secondaires. Elle sentait qu’elle n’était pas capable d’être forte ; elle essayait d’être gracieuse. Les grands ouvrages lui faisaient peur, elle se contentait de ce qui semble exclusivement fait pour l’agrément. C’est là toute la littérature de cette période qui précéda l’époque des grandes luttes littéraires, et de cette rénovation tentée et accomplie par des passions ardentes et des enthousiasmes sans mesure. Est-il étonnant qu’un jeune homme, ait suivi ce courant et s’y soit abandonné sans résistance ?

Pour s’opposer à la tendance générale d’une époque, il faut avoir une grande témérité, ou la pleine conscience de sa force et de sa valeur. M. Albert ne voulait pas être téméraire. Il ne se sentit pas cette énergie qui fait d’un débutant un novateur. Il fut de son époque. Il fit des vers comme on en faisait, lorsque dans une insouciance complète de ce que devait apporter le lendemain, ou dans une ignorance absolue des résultats auxquels allait aboutir cet ensemble de causes, dont on voit aujourd’hui le rigoureux enchaînement, on marchait à des catastrophes, en faisant des poèmes légers, en se jouant dans des vers que l’on assaisonnait de grâce et de frivolité, et en couronnant de roses des têtes que l’échafaud attendait.

Geoffroy, dans le Journal des Débats, attaqua vivement cette œuvre d’un jeune homme. Pourquoi le critique, dont les jugements sur les meilleures choses et sur les plus sérieuses avait tant d’autorité, s’attacha-t-il à l’œuvre d’un inconnu ? Il est bien difficile de l’expliquer. Quoi qu’il en soit, cette critique toute vive et passionnée qu’elle fut, était un honneur pour M. Albert. Il n’est pas donné à tout le monde d’attirer le courroux de cette puissance qui tient la plume pour louer et pour blâmer, pour donner au génie la satisfaction à laquelle il a droit, et à la médiocrité le châtiment qu’elle mérite. Geoffroy jugeait de haut et à un point,