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la question wagner depuis la guerre

fois de plus, trouvant la voie obstruée par des œuvres du passé. Si Wagner fut, au temps de la jeunesse de MM. Saint-Saëns et Clemenceau, le musicien de l’avenir, il est devenu celui du passé pour les disciples de Claude Debussy.

« Après la guerre, mon cher Saint-Saëns, écrivait M. Émile Bergerat en 1915, sera-t-il séant de célébrer notre victoire en bannissant à jamais la choucroute de la table française, si ce mets boche nous régale ? Moi, je veux bien, si ce sacrifice peut être odorant à Jeanne d’Arc et même aux mânes de notre héroïque ami Déroulède. Mais nos enfants persisteront-ils dans cette abstention vengeresse ? Non, les arts n’ont pas de patrie, sauf la littérature, qui a la garde de la langue[1]. »

Cette boutade de Caliban exprime en d’autres termes Topinion qu’avait M. Paladilhe sur la « question Lohengrin », à savoir, qu’il ne faut pas plus bouder contre ses oreilles que contre son ventre.

Ce sera aussi la morale de cette histoire.


  1. L’art a-t-il une patrie ? Lettre à G. Saint-Saëns, dans l’Information du 22 septembre 1915.