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de ces dix volumes de Gesammelte Schriften y juge sans ménagement ses compatriotes ; et certaines de ses observations se sont retrouvées d’une actualité telles qu’elles auraient gagné à être méditées en France[1].

Né à Leipzig, au lendemain de la « bataille des nations », Wagner était encore étudiant à l’époque de la révolution de juillet, qui lui fit « fréquenter exclusivement des hommes politiques » et lui inspira même une « ouverture politique » (I, p. 24). Un peu plus tard, son premier opéra, la Défense d’aimer (1834), écrit sous une inspiration révolutionnaire, était une satire juvénile du puritanisme allemand, que sa nature ardente supportait impatiemment. Déjà, il ressentait le désir de plus de liberté, et il ne cessait d’aspirer au moment où il pourrait venir à Paris, la seule ville qui l’attirât en Europe. On sait quels déboires l’y attendaient : Un Musicien allemand à Paris, ce petit roman humoristique et pitoyable, et les correspondances adressées à l’Abendzeitung de Dresde, renferment les premiers jugements de Wagner sur nous. En voici quelques extraits :

La logique est la passion qui consume les Français, et ils portent ainsi leur jugement sur toute chose.

… Les Français ne se permettent la contradiction et les attaques qu’entre partis opposés ; alors, ils ne se font aucun scrupule de se dénier mutuellement jusqu’à la dernière étincelle de dignité et d’intelligence… Ils s’oppo-

  1. Les citations sont empruntées, pour les huit premiers volumes des Gesammelte Schriften, à la traduction française que nous avons entreprise, en 1907, à la librairie Delagrave. Neuf volumes en ont paru. Le dixième s’imprimait à Lille, au début de la guerre.