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Page:Prost - Le couple au jardin, 1947.pdf/116

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LE COUPLE AU JARDIN

et puis on a causé. Ce garçon n’est pas ordinaire. Il a quelques sottises de jeunesse à son actif et semble les payer cher… Il me plaît singulièrement.

Il parla de l’enfant, des soucis du jeune père :

— Sais-tu à qui j’ai pensé ? On pourrait confier ce petit garçon au ménage Ramillien. Les Ramillien ont le cœur tendre ; ils soigneraient l’enfant et le chériraient. Ce petit s’ébattrait dans les jardins et s’y ferait du sang et des muscles, et nous le surveillerions un peu…

Blanche avait fermé les yeux et se taisait.

— Et puis, j’ai autre chose à t’avouer — je te dois compte des biens de la communauté ! Mais je sais que tu m’approuveras. J’avais dans ma poche un chèque…

— Blanche, tu dors ?

La jeune femme, en effet, semblait rendormie. Nérée éteignit la lampe et ne fit aucun bruit.

Cependant, sur la route d’Hyères, dans le champ aux oliviers, le campeur, sous sa tente, demeurait les yeux grands ouverts. La meurtrissure de ses membres n’était pas une vive souffrance, mais un endolorissement qui se laissait oublier. L’homme respirait lentement, profondément, pénétré par un puissant afflux d’espoir, de joie grave. Cette douceur émouvante, cette subite confiance en son destin, il lui semblait ne les avoir jamais éprouvées avec une telle plénitude.

Est-ce que la vie allait enfin lui faire grâce ?… Cet être invraisemblable, qui se disait modestement « un homme moyen », il faudrait, demain, mieux voir ses traits et son regard, afin d’emporter son image comme un viatique à travers les tribulations de l’avenir… Au fait, qui était-il ? Le chèque devait porter sa signature…