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LE COUPLE AU JARDIN

mœurs des oiseaux et leurs migrations, le monde hallucinant des insectes… Maintenant, le mari et la femme avait les mêmes goûts. S’émerveiller tous deux d’une découverte biologique ou s’enchanter d’un poème, n’était-ce pas encore une manière exquise de s’aimer ?

Nérée avait une prédilection pour le théâtre ; aussi le couple se rendait-il de temps en temps à Marseille pour y entendre une bonne pièce. Si brillant qu’ait été le spectacle, le moment que Blanche appréciait surtout était le retour nocturne : au-dessus d’eux, la splendeur scintillante du ciel ; à leur droite, la mer avec son grand murmure et, dans leur voiture légère, un amour infini comme cette mer et ce ciel.

Chaque fois que le mari proposait une sortie, la jeune femme acquiesçait de bonne grâce ; cependant, aux yeux de Blanche, aucune fête ne valait les lentes promenades du soir le long des allées du domaine ou sur l’étroite plage de l’Almanarre. Ils allaient d’un pas bien accordé, épaule contre épaule, la petite main tendre étroitement emprisonnée par la main forte. Ils parlaient à voix basse ou se taisaient longtemps — riches silences, exquis recueillement. Leur accord était si parfait que toute parole semblait superflue. Ils n’étaient plus « Blanche et moi », « Nérée et moi » ; ils étaient cet être unique, harmonieux, complet, vibrant d’une vie multipliée, cet être ébloui qu’ils appelaient Nous.

Parfois, la jeune femme s’immobilisait avec une expression ardente.

— Que regardes-tu ? Qu’entends-tu ? demandait son mari.