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YVETTE PROST

— Mais tu y mettais bon ordre, cœur de rocher !

— Oui, et l’enfant se rendormait paisiblement. Mère, pouvez-vous me donner tort ?

— Et non ! eh non ! ma petite fille. Vous savez bien que je vous approuve toujours. Seulement, n’est-ce pas, moi, je n’étais pas une mère à méthode ; j’ai gâté outrageusement mon Nérée : le résultat est-il si mauvais ?

— Vous aviez affaire à une pâte exceptionnelle : qui vous dit que Pomme sera aussi parfait ?

— Pomme est une miniature exacte de son papa.

— Physiquement, oui ; mais que savons-nous du moral ? Pomme n’est pas un pur Galliane. N’oubliez pas qu’il y a dans ses veines quelque peu de sang Ellinor ; et le sang Ellinor n’est pas exempt de défauts.

— Parbleu ! s’écrie Nérée, n’est-ce pas la cruauté Ellinor que manifeste Pomme quand il tire la queue du chat ?


Tandis qu’on se querelle à son sujet, Pomme, une dernière larme au bord des cils, s’épanouit déjà en sourires devant son royaume fleuri. Pomme est le petit roi de Pomponiana. Du matin au soir, il s’ébat en liberté dans le vaste jardin ; il se promène sans danger partout où ses petits pieds peuvent le porter. On ne se fait pas mal en tombant sur le sable fin des allées ; on constate : « Patatas ! » et l’on se relève crânement. On ne touche pas aux agaves ni aux oponces : c’est méchant ! Les roses aussi, ça pique ; mais on sait les prendre à pleine main par la tête. On s’arrête devant les jolies fleurs de toutes couleurs, devant les bêtes qui courent dans l’herbe ; on lève son petit nez pour voir les grands palmiers se balancer au vent. Que de