souvenir d’enfance qui venait de surgir du plus profond de sa mémoire : âgée de six ans à peine, elle avait été invitée à jouer chez une petite fille dont les parents occupaient une haute situation. Cette enfant de riches possédait une poupée qui fut pour Diane une révélation féerique : une poupée qui parlait, envoyait des baisers, portait un corset baleiné, un manchon, un sac à main et autres objets inconnus des poupées de la fin du XIXe siècle. Après avoir longuement contemplé la merveille, l’enfant Diane, serrant contre elle sa grossière poupée bourrée de son et coiffée d’une perruque d’étoupe, avait déclaré « Ta fille est bien habillée, mais elle est bête ! Elle ne sait dire que quatre mots. La mienne est bien plus intelligente : si elle disait tout ce qu’elle pense, elle parlerait mieux que toi ! »
Et Mme Horsel constatait qu’elle venait à trente-cinq ans d’intervalle, de rééditer l’histoire de la poupée.
En quittant la table, on fit quelques pas au jardin dans un doux crépuscule. Un vent tiède promenait les parfums exaltés. Aulnoy admirait le buisson de roses de Bengale extraordinairement fleuri. Nérée dit :
— Il y a tant de roses qu’il ne reste plus de places pour les épines.
Et aussitôt, la voix mordante de Diane :
— Dommage, cher monsieur ! car ce sont les épines qui font les roses si attirantes.
Quelques heures plus tard, alors que le domaine semblait plongé dans le sommeil, Blanche et Nérée s’attardaient, coude à coude, sur la terrasse. La jeune femme demanda :
— Qu’as-tu pensé du joli couplet de Mme Horsel, ce soir, à table ?