Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/129

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délicatesse et répugnent à l’amour-propre. Un richard a la fantaisie de me prendre pour valet de chambre : « Point de sot métier, me dirai-je ; il n’y a que de sottes gens. Les soins qui se rendent à la personne sont plus que des travaux d’utilité, ce sont des actes de charité, qui mettent celui qui les exerce au-dessus de celui qui les reçoit. Donc, comme je n’entends pas être humilié, je mettrai une condition à mon service : c’est que l’homme qui désire m’avoir pour domestique me payera 50 pour 100 de son revenu. Hors de là, nous sortons de la fraternité, de l’égalité, de la mutualité : j’irai jusqu’à dire que nous sortons de la justice et de la morale. Nous ne sommes plus démocrates ; nous sommes une société de valets et d’aristocrates. »

Mais, me direz-vous, il n’est pas vrai que la fonction, comme vous dites, égale la fonction, que le service acquitte le service, et que la journée de travail de l’un vaille la journée de travail de l’autre. Sur ce point la conscience universelle proteste ; elle déclare que votre mutualité serait de l’iniquité. Il faut donc, bon gré mal gré, nous en tenir à la loi de l’offre et de la demande, tempérée, dans ce qu’elle a de féroce et de faux, par l’éducation et la philanthropie.

J’aimerais autant, je l’avoue, que l’on me soutînt que les industriels, les fonctionnaires publics, les savants, les négociants, les ouvriers, les paysans, en un mot tous ceux qui travaillent, produisent, font œuvre utile, sont entre eux comme des animaux de genre différent, d’espèce inégale, entre lesquels on ne peut établir de comparaison. Qu’est-ce que la dignité de la bête de somme comparée à celle de l’homme, et quelle mesure commune entre la servitude de la première et la noble et libre action de l’autre ?… C’est ainsi