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Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/163

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capitaux ou marchandises. Or, cette avance, bien qu’elle ne soit pas accompagnée du payement voulu, n’a pas lieu sur parole et pour rien, comme l’entend le peuple ; elle se fait sur gage, hypothèque, nantissement ou caution, et moyennant une prime, qui souvent se paye d’avance, par retenue, et qu’on appelle intérêt : ce qui est juste le contraire de ce que l’on entend vulgairement par crédit.

En principe, le prêteur n’a de confiance en personne ; il ne se fie qu’aux choses. Il se peut que par bienveillance, comme homme et ami, il accorde à un autre, de la probité duquel il ne doute pas, une avance de fonds : mais ce n’est pas là ce qu’on appelle en affaires un crédit. Ce prêt de confiance, si le banquier est prudent et régulier dans ses écritures, il ne le portera pas dans son journal au compte de son ami ; il le portera au sien propre, attendu qu’une pareille avance n’est pas rigoureusement, à une date préfixe, exigible, et qu’en accordant un crédit de cette espèce, il s’est fait lui-même caution ; ce qui veut dire qu’en pareil cas il n’a véritablement confiance qu’en lui-même.

D’après cela, il y a donc deux manières d’entendre le crédit : le crédit réel, qui repose sur des réalités ou des gages ; et le crédit personnel, dont l’unique sûreté repose dans la fidélité de l’emprunteur. La tendance populaire est toute au crédit personnel : le peuple n’entend pas autrement la mutualité. Parlez à l’homme du peuple, de gage, de caution, d’une double ou triple signature, tout au moins d’un effet de commerce, représentant une valeur livrée et partout escomptable ; il ne vous comprend plus, et prend vos précautions pour une injure. Entre gens de connaissance, pense-t-il, cela ne se fait pas. — J’ai vingt ans d’exercice dans ma pro-