faire chambrée commune, auront tous leur chez soi ; parce que tous pourront dire, avec une certitude bien rare de notre temps : celle-ci est ma femme et ceux-là sont mes enfants, au lieu de semer leur graine à tort et à travers, et d’engendrer pêle-mêle ; parce que, dans ces mœurs utilitaires, l’habitation de l’homme serait plus propre, plus belle, mieux décorée que le temple de Dieu ; parce que le service de l’État, réduit de son côté à son expression la plus simple, ne pourrait plus être un objet d’ambition, pas plus que de dévouement : vous accuserez nos citoyens de grossièreté, d’individualisme ! Vous direz que leur société n’a rien d’idéal, rien de fraternel !… Ah ! nous le savions depuis longtemps, et vous ne prenez plus la peine de vous déguiser. Il faut à votre communauté, soi-disant laborieuse et démocratique, de l’autorité, des distinctions, des corruptions, de l’aristocratie, du charlatanisme, l’exploitation de l’homme par l’homme, de l’industriel par l’artiste, et l’amour libre. Honte[1] !…
- ↑ Ce qui distingue entre toutes choses la fausse unité c’est son matérialisme. Pour un pareil régime un singe suffirait au commandement. La machine montée, tout obéit. Personne ne se permet de requérir de l’action centrale ni intelligence, ni garantie, ni moralité. Elle veut, elle ordonne, elle est
l’autorité, tout est dit.
La centralisation a fait le triomphe de la commune de Paris après les septembrisades ; plus tard celui de Marat, au 31 mai. Elle a produit le triumvirat de Robespierre, Saint-Just et Couthon ; elle a rendu possible la Terreur et l’a soutenue, quatorze mois. Elle a assuré le 18 brumaire, et failli donner, deux ans après, la revanche à Cadoudal. Si Bonaparte eût été tué par la machine infernale, la Restauration, qui n’eut lieu qu’en 1814, était avancée de douze ans. Grâce à la centralisation, pendant que Napoléon date ses décrets de Moscou, peu s’en faut que Malet ne le remplace à Paris. La centralisation a fait, en 1814, de la capitulation de Paris, la constitution de la France ; la centralisation, après avoir renversé la dynastie des Bourbons, a renversé la dynastie d’Orléans. Sept hommes ont fait le 2 Décembre. Avec la centralisation, ce n’est plus un homme qui commande, héros ou conspirateur, ce n’est pas Lafayette, Danton ou Marat, ce n’est pas même la Convention, ni le Directoire, ni le Roi, ni l’Empereur : c’est Paris la grand’ville, c’est le centre qui a parlé.