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Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/444

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bien informé, ont encouru des condamnations pour fait de réunion illicite.

Pour que la coalition soit efficace, il importe qu’elle soit unanime ; et c’est à quoi la loi a pourvu, en défendant, sous des peines sévères, toute atteinte à la liberté du travail, ce qui ouvre la porte aux défections. Espérez-vous, ouvriers, maintenir contre l’intérêt privé, contre la corruption, contre la misère, cette unanimité héroïque ? L’histoire des portefaix de Marseille témoigne du contraire[1].

Mais si le législateur de 1864 a pu vous accorder le droit de vous coaliser contre les maîtres, par cela même il l’a accordé aux maîtres contre vous. C’est donc la guerre organisée entre le travail et le capital. Lequel des deux pensez-vous, dans l’état actuel, qui triomphe de l’autre ?

  1. Puisque j’ai nommé la Société des Portefaix de Marseille, je me permettrai d’en dire un mot. L’ancienne législation avait conservé au profit de certaines catégories de travailleurs un privilége corporatif. Telles étaient les compagnies de portefaix de Marseille, des Madaires, de Lyon, des forts de la Halle, etc. Sous ce rapport, on pouvait assimiler ces compagnies aux offices ministériels, notaires, avoués, agents de change, etc. Naturellement, ce privilége impliquait de la part des associés une certaine discipline, l’obligation de se tenir à la disposition de leurs chefs, l’interdiction, par conséquent, d’organiser contre la Compagnie un service concurrent. Eh bien, qu’est-il arrivé ? Que, la loi sur les coalitions rendue, un certain nombre de portefaix sous prétexte de liberté du travail, ont accepté des propositions que la Compagnie jugeait contraires à son intérêt ; et, quand elle a réclamé, quand elle a prononcé la radiation de ses cadres des contrevenants, qu’elle s’est vu condamner par les tribunaux et blâmer par la presse démocratique ! Pourtant, la loi sur les coalitions, qui a oublié tant de choses, ne s’est pas expliquée sur les priviléges légalement autorisés, et c’est une question de savoir si la Compagnie des portefaix continue de subsister aux anciennes conditions, ou si elle doit être considérée comme dissoute. Ce qui est certain, au moins, c’est que le service des ports était devenu dans de certaines villes, pour les ouvriers qui en avaient le privilége, une sorte de patrimoine commun, et que ce patrimoine va peut-être leur être ravi. Ils auront, à la place, la concurrence anarchique, illimitée, et le droit de coalition.