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tive les soixante-neuf articles de la charte, et la division des codes en titres, livres, chapitres, sections et articles ? — Et l’économie politique, si riche de matériaux, si bien assortie d’observations, de calculs et de statistique, qu’est-elle autre chose qu’une confusion, où rien ne se classe, ne se lie, ne se coordonne ?

Nous dirons donc : Toute science dont l’objet n’est encore ni sérié ni circonscrit est une science stérile et fausse, c’est un préjugé religieux ou une hallucination philosophique.

170. Dans les sciences constituées, cela seul est certain dont la classification est faite, la série connue, la loi calculée : cela est obscur et controversé, au contraire, où l’esprit n’a pu saisir ni rapport, ni loi, ni série.

En physique, ce qui touche au magnétisme et à l’électricité ne sort guère des limites d’une simple phénoménalité, sans lois bien connues et sans séries ; la phrénologie, pour être quelque chose, attend encore une classification des facultés et des organes ; le magnétisme animal sort à peine de sa coque nécromantique ; la psychologie, entendue selon la méthode universitaire, est une dérision.

Si la médecine est encore si conjecturale, c’est sans doute parce qu’elle donne beaucoup trop à l’étiologie, et pas assez à la. thérapeutique. On ne guérit point par la connaissance des causes, mais par des méthodes curatives appropriées aux maladies. Le remède lui-même n’est pas, à le bien considérer, une cause de guérison opposée à une cause de perturbation et de mort : il est l’occasion provocatrice d’une série de phénomènes hygiéniques opposée à une série de phénomènes morbides. Ce qu’il importe donc de connaître dans le traitement des maladies, sauf quelques affections particulières produites par l’introduction dans l’économie de virus ou miasmes, est beaucoup moins la cause première du mal, souvent insignifiante et presque toujours insaisissable, que la série des symptômes et phénomènes.

171. La série est la condition suprême de la science, comme de la création elle-même. S’il est ainsi, ce qu’on a nommé d’après Leibnitz loi de continuité est une erreur au moins quant à l’expression. L’idée de continuité est une conception de notre entendement analogue à celles de substance et de cause, c’est-à-dire sans réalité perceptible, et synonyme d’identité absolue. La continuité est une idée vraie, mais dont la vérité est antérieure à la différenciation des êtres ; ce qui signifie, pour nous, à leur création. Cette idée est légitime, puisque l’hypothèse qu’elle exprime est produite en vertu des lois de notre entendement, et elle nous est suggérée par l’observation même de la série, qui en est la con-