Que toutes nos erreurs ont pour cause l’inintelligence de la série.
Ces propositions, et quelques autres qui en découlent forment la partie essentielle et vraie des idées de Fourier : elles resteront, comme aphorismes de métaphysique et de morale.
216. Mais la manière dont Fourier opéra ensuite sur ces données, et prétendit appliquer la série à l’organisation politique montre que, dans cette intelligence mystique et contemplative, faible et ardente, l’aperception de la partie sérielle avait été suivie de la plus déplorable hallucination.
Fourier, méconnaissant l’indépendance des ordres sériels, et s’imaginant que la ressemblance des formes impliquait l’identité des lois (190, 235), s’abandonna, sur la foi d’analogies menteuses, aux plus étranges rêveries sur la création, le système du monde, la vie future. Confondant ensuite la nature et l’art (231, 232), et ne comprenant pas que la série politique est propre et spéciale à son objet, qu’il faut la découvrir par voie d’analyse, non en juger par analogie ; qu’elle se constitue insensiblement au milieu de nous par le progrès même des révolutions : Fourier applique à l’ordre social la gamme des tons et substitue artificiellement à la série naturelle du travail une série étrangère. Enfin, accordant à toutes les manifestations de la puissance divine et de l’activité humaine une légitimité égale (309 et suiv.), il entreprend de justifier ce qui est de soi injustifiable, de régulariser ce que la théorie sérielle prouve être essentiellement anormal ; et il introduit, dans ses groupes phalanstériens, sous le nom de dissonances ou discords, des goûts dépravés, des affections hors nature, des alliances monstrueuses.
Mais comment la découverte de la loi sérielle amena-t-elle la chute d’une intelligence ? comment s’opéra ce prodige ?
217. À peine en possession de la grande idée qui fait la base de son système, Fourier se renferme en lui-même et s’isole du monde : là fut le principe de l’hallucination qui égara sa pensée. « À l’homme qui s’isole de ses semblables, dit en parlant de Fourier un de ses disciples[1], il arrive comme à celui qui s’élève sur des monts escarpés au-dessus des précipices, des éblouissements qui lui ravissent le sens, et ne le laissent pas maître de lui-même. »
Fourier était musicien. Au lieu de chercher dans l’histoire et la législation comparée la forme de la série politique, ce qui suppose dans l’humanité un développement providentiel, une tendance à
- ↑ E. de Pompery, Théorie de l’association et de l’unité universelle.