Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/16

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être décomposé, et qui en sont comme le principe immédiat, la forme, la raison, le mètre. Ces conditions sont ce qu’on appelle lois. — Ainsi, prenant le cercle comme un tout ordonné, l’égalité fixe du rayon générateur sera la loi. Dans la série arithmétique 3, 5, 7, 9, 11…………., la loi ou raison est 2.

5. L’expression d’une loi, ou sa description, est une formule.

6. Toute loi vraie est absolue et n’excepte rien : l’ignorance ou l’ineptie des grammairiens, moralistes, jurisconsultes et autres philosophes, a seule imaginé le proverbe Point de règle sans exception. La manie d’imposer des règles à la nature, au lieu d’étudier les siennes, a confirmé plus tard cet aphorisme de l’ignorance. — Dans les sciences mathématiques et naturelles, il est admis que toute loi qui n’embrasse pas l’universalité des faits est une loi fausse, une loi nulle : il en est de même pour toutes les autres sciences.

7. L’ordre n’est point quelque chose de réel, mais seulement de formel ; c’est l’idée inscrite dans la substance, la pensée exprimée sous chaque collection, série, organisme, genre et espèce, comme la parole dans l’écriture.

8. L’ordre est tout ce que l’homme peut savoir de l’univers.

Considérant la création selon les trois catégories de substance, cause, relation, nous trouvons que les êtres, perceptibles seulement pour nous par les rapports que nous soutenons avec eux, nous demeurent impénétrables dans leur substance ; que les causes, insaisissables dans leur principe et leur origine, ne nous laissent entrevoir que la succession de leurs effets. Les rapports des choses, l’ordre et le désordre, le beau et le laid, le bien et le mal, voilà tout ce qui tombe sous l’observation de l’homme, tout ce qui fait l’objet de sa science.

Des trois faces de l’univers, une seule nous est donc intelligible : les deux autres sont, de notre part, l’objet d’une foi aveugle, fatale. L’ontologie, en tant que science des substances et des causes, est impossible[1].

9. Nous ne connaissons des êtres que leurs rapports : toutefois, comme il est nécessaire, pour les besoins de la science, de distinguer sous chacune de ses faces ce grand tout que nous nommons

  1. Les animaux sont au-dessous de la condition de l’homme ; ils ne perçoivent pas les rapports des choses, ils ne savent rien. Ce qui se passe en eux, et que nous prenons pour intelligence, n’est qu’un instinct perfectionné par l’habitude, une sorte de rêve provoqué par le milieu environnant, et qui ne suppose ni méditation ni science. Comme chez le somnambule, la pensée dans les animaux ne se connaît pas ; elle est organique et spontanée, mais non pas consciente ou réfléchie.