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Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/203

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306. La dialectique sérielle est, comme l’arithmétique et la géométrie, exacte, rigoureuse, infaillible dans sa marche ; mais aussi, comme ces dernières, elle ne garantit pas nécessairement le succès dans l’application.

On conçoit, en effet, que dans un problème de mathématiques une donnée ait été omise, ou bien que les termes de la question proposée ne traduisent pas fidèlement le problème à résoudre : dans l’un et l’autre cas, l’opération pourra être irréprochable, sans que pour cela le succès qu’on espère de l’application puisse être obtenu. Les chiffres n’auront pas failli, mais bien l’énoncé du problème.

Il en est de même du raisonnement sérié : il répond avec justesse et précision aux questions qui lui sont adressées ; mais il ne préjuge pas l’utilité même et la compétence des questions. Ainsi, il est indubitable qu’en prenant pour condition du droit électoral un quantum quelconque de contribution l’on arrivera au suffrage universel ; mais cela ne prouve pas que le suffrage universel soit toujours chose utile et opportune. Il est d’autres considérations sociales, qui toutes se résolvent dans celle du progrès, et dont il est nécessaire ici de tenir compte : et je regarde, quant à moi, comme des ennemis de la liberté, ou tout au moins comme des imprudents, ceux qui demandent l’application immédiate de cet aphorisme politique : Tout citoyen est électeur, et tout électeur est éligible[1].

La métaphysique, ne craignons pas de le redire, n’est point une méthode d’invention ; elle n’enseigne pas à découvrir le vrai point

  1. Au reste, mon opinion ne diffère de la leur que d’une cinquantaine d’années d’éducation populaire : pour le moment, il me semble qu’une réforme qui porterait à un million le nombre des électeurs en France, en les choisissant surtout dans les villes, produirait, par la solidarité des intérêts, tout le bien qu’on attend du suffrage universel. Ainsi, je ne nie pas le droit (263), je conteste seulement l’opportunité de l’application. Le peuple, en partie, est encore mineur : c’est un fait qu’on ne saurait méconnaître (a).

    …...(a) L’événement a confirmé depuis cette prévision. Les élections d’avril et décembre 1848 auront donné une rude leçon aux démocrates phraséologues. Ce n’est pas la seule fois que l’auteur aura été prophète. (Note de l’éditeur.)