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Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/247

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quelque chose d’anti-sériel, la ligne qui le décrit étant une image de continuité plutôt que de série. Mais on opère cette conversion d’une manière aussi approchée que l’on veut en sériant la circonférence, c’est-à-dire en décrivant de chaque côté de cette ligne un polygone d’un grand nombre de côtés.

L’invention de Guttenberg présente un exemple frappant de conversion sérielle. La casse typographique n’est qu’une série dont les unités mobiles peuvent servir indistinctement à reproduire tous les livres imaginables. La même chose arriverait si, au lieu de lettres, la casse renfermait tous les mots d’une langue avec leurs inflexions et désinences. Alors ce serait comme un vaste système vocabulaire et grammatical composé d’une multitude de séries dont les unités serviraient sans cesse à former de nouveaux groupes, sans perdre leurs rapports et sans se détruire.

Notre système métrique n’est pas moins remarquable : là aussi on voit une série linéaire devenir tour à tour mesure de capacité, de solidité, de poids, de monnaie.

Plus on observe la nature, plus on approfondit les lois de l’intelligence, et plus on se convainc de la certitude de cette distinction entre les séries réelles et les séries idéelles. L’eau bout à une certaine température, au delà de laquelle elle cesse d’absorber du calorique : il y a donc entre la chaleur et l’eau une proportion chimique qui ne peut être dépassée sans que la forme élémentaire du liquide soit détruite. L’eau ne peut devenir ni flamboyante ni lumineuse ; au delà de 80o R. elle s’évapore ; décomposée, elle fournit deux gaz dont l’un est respirable et l’autre combustible. Mais le thermomètre, le baromètre, le gazomètre, le calorimètre, tous les instruments qui nous servent à mesurer l’intensité des forces physiques, peuvent recevoir des graduations très-diverses, qui toutes se convertiront les unes dans les autres.

Les langues, séries de signes articulés, présentent un phénomène extraordinaire : homologues, identiques dans leurs éléments ou radicaux primitifs, c’est-à-dire dans ce qu’elles ont de purement idéel, formées, en un mot, des mêmes unités, elles sont toutes des conversions l’une de l’autre, elles sont sœurs : mais seulement analogues, inégales, pour tout ce qu’elles tiennent de la nature physiologique et sociale de l’homme, elles cessent peu à peu de s’entendre, deviennent inconvertibles l’une à l’autre, souvent même intraduisibles.

363. En résumé, toute série se compose d’unités groupées sous une loi commune : mais tantôt ces unités peuvent être séparées et servir à d’autres séries sans cesser pour cela d’être les mêmes, et cette propriété de conversion est le propre des choses intelligibles ;