pareille antilogie. Comment ce que fait illégitimement et subversivement le capitaliste, qui ne produit pas, le travailleur ne pourrait-il l’exécuter sans lui, savoir, opérer un prélèvement sur son salaire, et le convertir en capital ? En effet, de quoi résulte principalement, aujourd’hui, la formation des capitaux ? De la rente, du fermage, des bénéfices. Or, qu’est-ce que la rente, le fermage, le bénéfice, sinon un prélèvement fait sur le produit par un producteur fictif, qu’on appelle capitaliste ou propriétaire ? Du travail, encore du travail, et toujours du travail, c’est toute l’Économie politique ; et demander comment, sans monopoles, privilèges ni sinécures, il se formera des capitaux, c’est demander comment, sans le secours des oisifs, les travailleurs accumuleront du travail.
Qu’est-ce donc qui empêche les travailleurs de capitaliser ? Je l’ai dit déjà : c’est que la propriété ne leur en laisse pas les moyens. Mais alors comment un tel régime s’est-il établi ? Quel en est le but ? quel en est le sens ?
400. C’est ici que l’Économie politique, s’élevant tout à coup des notions les plus simples aux considérations les plus hautes, devient une vraie physiologie de la société, selon la juste expression de Say.
Capital fixe, Capital circulant. Toute accumulation de valeur se nomme capital : une équation sérielle démontre que des travaux d’aménagement faits à une terre, la construction d’une machine, d’un navire, l’attirail du laboureur, les outils de l’artisan, l’éducation donnée à un jeune homme, le talent d’un artiste, etc., aussi bien qu’une somme d’argent mise en réserve, sont des accumulations de valeurs et constituent des capitaux. Or, selon que le capital devient instrument de production ou objet de commerce, il prend les noms corrélatifs de capital fixe ou engagé, et capital circulant. C’est, comme l’on voit, une transformation nouvelle de l’idée du travail, considéré sous le double point de vue de matière-instrument et matière-produit.
401. Mais, 1o pour que des capitaux circulent, pour que des produits s’échangent, il faut, avant tout, qu’il y ait diversité dans la production ; or, cette diversité ne s’est établie que peu à peu, par le démembrement et la spécification incessante de la faculté industrielle. La condition de l’homme, à son entrée dans le monde, étant l’ignorance, le travail ne fut pas d’abord divisé : l’expérience seule, amenant la réflexion, a diversifié l’activité humaine. Cela ne suffit point encore : toute évolution industrielle exigeant une certaine mise de fonds, une consommation de valeurs et de temps, dont la société, sous une forme quelconque,