Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ainsi, pour revenir aux passions, il serait possible de défendre Fourier en disant que, selon lui, les passions sont les formes du principe vital ; de même que, selon Kant, les catégories sont les formes de l’entendement (208, 281, 333). Le principe vital, agitant la matière et l’organisant, d’abord se met en rapport avec le monde par les cinq sens, et en reçoit autant de modifications ou facultés ; — puis, excité par les impressions venues du dehors, il s’élance vers les objets qui les produisent, et se pose comme volonté, force expansive, ambition et amour ; enfin, réfléchissant, et sur les perceptions de la sensibilité, et sur les affections qu’elles sollicitent, il devient, dans cette contemplation intriguée, multivague, extatique, raison pure, esprit.

Peut-être serait-il difficile de concilier cette hypothèse de l’unité triforme du moi avec la théologie de Fourier, suivant laquelle il existe trois principes irréductibles et coéternels, la Matière, le principe Vital, et le principe Mathématique : dans tous les cas, le tableau des passions serait à remanier, puisque, selon cette nouvelle psychologie, les affectives et les distributives, produit des sensitives, ne pourraient plus être considérées comme radicales (297). Quoi qu’il en soit, le sujet passionnel étant un, la genèse des trois ordres de facultés serait trouvée : resterait à faire la délimitation et le classement des passions, puis à en décrire les mouvements et les lois. La première partie de cette tâche aurait été exécutée par Fourier (grosso modo) ; quant à la seconde, elle attend de nouveaux observateurs.

Or, si c’est là ce qu’entendent les fouriéristes par leur théorie passionnelle, ce n’est pas la peine de disputer avec eux ; ils ne savent rien de plus que tous les psychologues. Il faut les prier seulement de construire, sur ces données, une science positive et régulière. La dialectique sérielle, désormais à leur disposition, leur apprendra bientôt ce qu’ils peuvent espérer de ce côté-là.

450. Autre source d’ambages et d’embarras.

Si, par analogies, Fourier a eu en vue les différents ordres sériels, qui tous ont effectivement quelque chose de commun, puisqu’ils dérivent d’une même loi et déterminent des éléments souvent homogènes ; si, par exemple, il a entendu que les trois règnes de la nature étaient, par rapport à l’esprit qui les considère, comme des allégories, non comme des répercussions effectives les uns des autres : malgré les licences et l’énergie du style de Fourier, on se rendrait à cette explication.

Pareillement, si les galanteries étranges dont Fourier a si plaisamment orné ses écrits, et que ses disciples ont si prudemment écartées des leurs, n’étaient que de vives images, destinées à