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Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/326

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plus elle serre le nœud sur sa gorge ; et lorsque le moment est venu où elle doit s’abdiquer sous peine de se contredire, ne pouvant s’exécuter de bonne grâce, un souffle de révolution vient qui l’achève et la lance dans l’éternité.

477. Disons maintenant, pour ne plus y revenir, ce que devait être le sacerdoce, ce qu’il a été, ce qu’il est.

Ministres du culte, c’est-à-dire des cérémonies symboliques et solennelles que le génie des peuples institua par toute la terre pour rappeler les grandes pensées d’Ordre, de Science, de Vertu et d’Avenir, les prêtres avaient pour mission d’entretenir au cœur des hommes les sentiments généreux et les vastes pensées ; de conserver les traditions, les mœurs, l’esprit national, et de se montrer en même temps promoteurs zélés de la science, propagateurs des lumières, amis de la tolérance et de la vérité. La religion n’étant que la position du problème cosmique et social, le sacerdoce devenait centre d’investigation et de hautes études ; c’était à lui de conduire le mouvement. Voilà ce qu’un instinct supérieur disait aux premiers hommes : voilà pourquoi ils allaient prier les dieux et consulter les oracles ; ce qu’exprimait le bandeau d’Aaron, symbole de doctrine et de vérité ; ce que furent pendant un temps les Bramines, les Druides et les Bardes, chantres des héros, conseillers des rois, instituteurs des peuples. Et telle fut aussi la pensée de Jésus-Christ, lorsqu’il fonda son Église, comme qui dirait, son Université.

478. Mais le sacerdoce, prenant la figure pour l’esprit, s’attache au rite, instrument ou simulacre de son autorité, et n’en veut plus sortir ; il trouve dans ces allégories merveilleuses, que son devoir est d’interpréter, des vérités surnaturelles dont il impose, sous peine d’impiété, la croyance ; enfin il se classe hors de la société, se fait caste improductive et exploitante, tour à tour esclave ou dominatrice des rois. Dès lors, il n’y eut plus de remède : la conscience révoltée accomplit par d’autres hommes la mission du sacerdoce ; le philosophe fut opposé au prêtre ; deux états successifs de l’intelligence désignèrent deux sectes ennemies : et ce fut un duel à mort entre la Philosophie et la Religion. Toutes deux ont péri dans le combat ; mais du sein fécond de la Philosophie la Science est née, immortelle et radieuse ; tandis que la Religion a passé stérile et maudite de plusieurs.

Toutes les fonctions que devait enfanter la catégorie sacerdotale sont maintenant organisées en dehors du sacerdoce : le prêtre n’est ni savant, ni artiste, ni médecin, ni historien, ni politique, ni philologue : l’université n’a rien de commun avec le séminaire, ni