Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/360

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sente, non-seulement qu’il sache manier la lime et le marteau, mais qu’il possède des connaissances étendues en métallurgie, chimie, géologie et mines ; qu’il ait fait ses preuves dans les forges et les arsenaux ; que, tantôt sous l’uniforme de l’école, il ait observé les lois de la nature inorganique dans les laboratoires, se soit rompu aux procédés de l’art dans les ateliers de l’université ; tantôt sous la blouse du pionnier et le harnais du soldat, il ait fourni son contingent de corvées à l’extraction des houilles et des minerais, et à la garde de la patrie : le tout avant 27 ou 28 ans révolus. À quoi bon, en effet, tout ce savoir et ces campagnes, pour raccommoder des pioches et ferrer des voitures ? Un pareil homme serait digne d’être ingénieur, même général.

Eh ! sans doute il en serait digne : et c’est pour cela que nous sommes partisans de l’égalité, entendez-vous ?… Mais poursuivons.

La commune a besoin de maçons, de tailleurs de pierre. — Voici de jeunes hommes, au corps robuste, à la main forte et sûre, à l’âme d’artiste, dont le moindre connaît, avec la pratique du métier, la coupe des pierres, la géométrie descriptive, la statique, l’architecture, la composition des ciments, etc. ; et qui tous ont travaillé aux carrières !…

Mais qu’est-il besoin d’en dire davantage ? À l’école d’agriculture, les travaux de défrichement, dessèchement et reboisement ; — à celle du commerce, l’entretien des ports, des routes et des rivières ; — à toutes, le creusage des canaux, les terrasses, déblais, transports. Et si, parmi cette jeunesse enthousiaste, quelques-uns possèdent le génie divin de la poésie et de l’art, pour ceux-là multipliez les études, multipliez les corvées : le fruit qu’ils promettent ne peut mûrir qu’arrosé de sueur et de sang. Comment, en effet, parleraient-ils à la société, comment en reproduiraient-ils le caractère harmonique et les traits si divers, s’ils n’en étaient eux-mêmes, par une étroite sympathie, l’expression vivante et fidèle ?

532. J’en ai dit assez pour quiconque sait lire et comprendre : quant aux autres, il est inutile d’étaler à leurs yeux ébahis de semblables paradoxes. Mais il est une chose que nous ne saurions passer sous silence : les seuls hommes dont le regard soutienne aujourd’hui ces idées, les communistes et les phalanstériens, forment deux sectes séparées, deux partis qui se croient essentiellement hostiles.

Sous les noms de petites hordes et d’armées industrielles, Fourier a organisé l’instruction publique et les grandes manœuvres d’une manière à peu près semblable à celle que nous venons de décrire :