Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/372

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aussitôt que les espèces dont il se compose, déterminées par l’organographie, se seront coordonnées entre elles et formeront groupe, et que la jurisprudence nouvelle (3e partie de la science économique) sera définie.

On s’étonnera peut-être que, dans une société régulière et harmonique, l’intervention arbitrale soit jugée nécessaire. L’existence des tribunaux, pensera-t-on, a son principe dans la lutte des intérêts, dans la mauvaise distribution du travail, dans l’ignorance, la mauvaise volonté ou la mauvaise foi des répartiteurs et salariés : ainsi que les faits qui l’occasionnent, le pouvoir judiciaire est une anomalie. Or, une anomalie deviendrait-elle maintenant une condition de l’ordre ?

C’est ici surtout qu’il convient de rappeler la célèbre définition de Bichat : La vie est l’ensemble des phénomènes qui triomphent de la mort. Non, dans aucun cas, l’anomalie ne saurait devenir condition d’ordre : l’ordre est toute disposition sériée ou symétrique #1, c’est-à-dire l’effet d’une commune mesure, appliquée aux diverses parties d’un tout. Car, qui dit symétrie, dit communauté de mesure ; qui dit série, dit groupe produit par une mesure ou qualité commune. L’anomalie, ce qui pèche par la mesure, ne peut donc faire partie de l’ordre. Mais l’ordre, de même que la vie, est encore l’ensemble des conditions qui résistent au désordre, qui triomphent du chaos et du néant. Cette nouvelle définition de l’ordre nous dénote ce que doit être, ce que sera le pouvoir arbitral.

L’ordre se produit dans l’Humanité par la connaissance que l’Être collectif acquiert de ses lois (13) ; il s’y conserve à la même condition. Or, la science des lois sociales est infinie (543) ; l’étude de ces lois rentre essentiellement dans la catégorie des fonctions de pure intelligence, que nous avons reconnues (433) comme préliminaires indispensables du travail, arbitres souveraines de sa direction, de sa distribution et de ses efforts. Si donc, comme nous l’avons dit en son lieu, la science a de sa nature qualité judiciaire, si le jugement est son attribut inséparable, comment, admettant une science sociale, les organes de cette science ne seraient-ils pas les ingénieurs et les architectes de la société ? Comment, après avoir reconnu la nécessité d’un pouvoir centralisateur, gardien et procurateur de l’ordre, rejetterions-nous un pouvoir arbitral, corrélatif nécessaire du premier, chargé de prononcer sur ses réquisitions comme sur les demandes des administrations, des corporations et des personnes ; d’authentiquer les nominations et les contrats, d’accorder des distinctions et des grâces, et d’infliger des peines disciplinaires ?…

4. Enfin, pouvoir enseignant, comprenant dans ses attributions