Une autre fois on s’empare de l’eucharistie : le redoutable sacrement ne paraît qu’un repas égalitaire, symbole d’association : l’interprétation court, et d’un seul mot le mystère de la communion, qui fit faire de si gros livres, est expliqué.
Chaque formule par laquelle le peuple exprime ses opinions nouvelles sur les dogmes de la religion, est un jugement clair, précis, par lequel il déclare que l’Église a erré, sur quoi ? sur le dogme ? non, mais sur le fait. Aussi cette exégèse nouvelle, simple comme l’esprit du vulgaire, s’empare des intelligences avec une force indomptable : partout où elle pénètre, l’Église compte une défection.
Et, ce qu’il importe de remarquer, le jugement du peuple embrasse le présent et l’avenir : tandis que la philosophie des habiles prédit une restauration religieuse, le rationalisme du peuple exclut toute religion ultérieure. Ainsi la Providence se joue de la sagesse de l’homme ! La religion s’était perpétuée parmi le peuple, malgré les railleries des philosophes : elle finit par la désertion du peuple, malgré les cris des philosophes.
68. On pourrait résumer en un catéchisme de cinquante pages l’histoire de la Religion, depuis Adam jusqu’à Grégoire XVI, avec l’interprétation de tous ses symboles. Un pareil travail, s’il était bien fait, changerait l’Europe en moins de dix ans. Ce qu’il faut au peuple, ce ne sont point thèses, dissertations, longs discours ; ce sont des pensées sommaires : le peuple retient mieux une formule que les raisonnements qui servent à la démontrer. La profession de foi des douze a fait depuis dix-huit siècles toute la philosophie de plusieurs milliards d’hommes : c’est par un symbole en douze articles qu’il faut attaquer celui des apôtres, en attendant que chaque homme puisse être métaphysicien et savant.
69. Déjà le gouvernement français est entré dans cette voie : l’article 6 de la Charte modifiée a constaté officiellement l’extinction progressive des cultes. En déclarant que la religion catholique, jusqu’alors religion de l’État, n’était plus qu’une religion de majorité, on a eu pour objet, non pas d’indiquer le rapport numérique du catholicisme et des cultes dissidents, mais de mettre, pour ainsi dire, la «religion hors la loi. La Charte sans cela n’aurait pas de sens.
En effet, la forme monarchique admise en France comme principe du gouvernement est loi de l’État : ce n’est pourtant qu’une loi de majorité.