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d’avoir établi, par des analyses et des comparaisons suffisantes, des genres et des espèces véritables. Aussi de ses prétendues généralités, de ses aphorismes hypothétiques et de ses abstractions causatives, la philosophie n’a-t-elle déduit le plus souvent que des propositions fausses, que l’expérience a dû rectifier tous les jours, détruisant ainsi, par un travail contradictoire, ce que la théorie syllogistique avait édifié.


§ III. — Influence de la sophistique sur la civilisation.


113. La méthode de déduction ayant été, pour ainsi dire, réduite en machine par Aristote, cette invention parut si merveilleuse que tout le monde s’empressa de l’adopter et de s’en servir. Alors le vertige fut universel : religion, jurisprudence, morale, médecine et physique, tout releva de généralités, entités, quiddités et qualités occultes, dans lesquelles, ainsi qu’en leurs sources, on commença de puiser à plein syllogisme la science et la foi.

Ici de nouveaux détails sont nécessaires.

114. Religion. Ce fut vers l’époque où la philosophie d’Aristote nous revint des Arabes que la théologie chrétienne prit une forme systématique et régulière. Les premiers Pères, plus contemplatifs que dialecticiens, avaient laissé la doctrine flottante, vague, indécise : les scolastiques mirent l’ordre dans les matériaux et les idées, et tout ce que l’exposition de la foi eut de rationnel peut être attribué à Aristote. Thomas d’Aquin, surnommé le docteur angélique, ne connaissait et n’employait que le syllogisme : l’usage des divisions et sous-divisions, si fréquent dans la Somme, n’y est guère qu’un auxiliaire de la méthode déductive ; l’idée de faire servir le classement des rapports à l’argumentation est aussi loin de la pensée du théologien qu’il l’avait été de celle d’Aristote son maître.

L’édifice des scolastiques, fondé et achevé presque en même temps que les cathédrales du moyen âge, n’a pas sensiblement changé depuis ; maintenant, comme alors, la démonstration catholique se réduit à une série de syllogismes, dont je vais rapporter le sommaire[1].

  1. Voir Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu, Méditations sur les Évangiles, Exposition de la foi catholique ;Fénelon, Lettres au Chevalier de Hamsay ;Bergier, Traité de la Religion ; — Laluzerne, Dissertations ;Frayssinous, Conférences, etc.
    …...Comparer aussi la démonstration de l’Existence de Dieu par Clarke, et celle de l’Immortalité de l’Âme, par Rousseau, avec les preuves récemment apportées par les philosophes allemands, écossais, français et autres.