Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/124

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bien suprême et principe tout-puissant, être souverain. En qualité de souverain être, cette Essence, que l’entendement conçoit par-delà le phénomène, et que l’imagination revêt bientôt d’une âme, d’un moi, d’une figure, devient ensuite sujet ou substratum de la Justice : c’est à elle, en conséquence, que le croyant adresse ses révérences et ses vœux.

Ainsi, après la religion d’Ormuz ou de la Lumière intelligible, symbolisée par le feu, il y eut la religion d’Osiris, ou de la Vie, symbolisée par le bœuf et les autres animaux ; puis la religion de la Beauté, qui fut sous le nom d’Aphrodite celle des Grecs ; puis la religion de la Famille, célébrée à Rome sous le nom de Vesta ; puis la religion du Christ, c’est-à-dire de la Rédemption ou de la Liberté. On connaît encore la religion de la Force, Thor ou Hercule ; de la Richesse, Mammon, Ops ou Jéhovah, etc. Toutes ces religions ne sont que des réalisations de concepts, servant à exprimer, selon le sentiment des peuples divers, soit le souverain bien, soit la souveraine puissance ou la souveraine sagesse, lesquelles souverainetés sont prises ensuite pour protectrices des sociétés qui se dévouent à elles, et considérées en conséquence comme sources du droit et gardiennes de la vertu.

Supposons qu’aujourd’hui, le christianisme écarté, il reste dans les âmes assez de sentiment religieux et de force poétique pour faire convoler le peuple en une foi nouvelle, et que l’idée de cette foi soit le Progrès, par exemple la Femme libre, ou toute autre fantaisie produite par le courant de l’opinion : il ne manque pas de sectes, au moment où j’écris, qui aspirent à traduire en dogme théologique les éléments plus ou moins obscurs de leur illuminisme.

D’abord la religion, ainsi déterminée dans son idée, se poserait comme simple affirmation de cette idée, puis