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« Ne dites point, — c’est Sénèque qui parle, — que les découvertes que nous faisons nous appartiennent. Les semences de tous les arts ont été déposées en nous ; et Dieu, le maître invisible, aiguise et excite les génies. » (De Benef., iv, c. 6.)

Pline, lib. xxvii, c. 1, 2 :

« Le zèle des anciens pour les découvertes, leur générosité à les transmettre, est un don des dieux. Si quelqu’un s’imagine par hasard que l’homme a pu inventer toutes ces choses, c’est un ingrat qui méconnaît la munificence divine. »

Jusqu’à l’époque chrétienne ces éclairs de mysticisme ne paraissent pas avoir exercé une grande action sur les mœurs, bien moins encore la philosophie sut-elle en déduire une théodicée. Au christianisme était réservé de développer dans sa plénitude la fameuse doctrine de la Grâce, corollaire indispensable du péché originel.

Toujours donc et dans tous les cas, même quand le souffle divin l’inspire, et surtout alors qu’il l’inspire, il faut que l’homme, enfant du péché, s’humilie. Qu’il se complaise en lui-même, il devient apostat.

C’est pour cela que le christianisme, partant du principe que toute volonté est perverse, tout caractère vicieux, toute intelligence dépravée, toute action pollue, s’occupe incessamment de nous laver de nos souillures, et qu’il s’est constitué en une officine d’expiations. Rappellerai-je les jeûnes, les veilles, les abstinences, macérations, disciplines, oraisons, séquestrations ; les renoncements, la misère volontaire, le célibat perpétuel, et toutes ces inventions de la haine de soi dont se compose l’exercice, ἀσκήσις, du chrétien parfait, de l’ascète ?

« Tout est hostile à la religion catholique, naturellement parlant, dit un de ses apologistes, et l’esprit, et le cœur, et les sens, parce qu’elle-même se présente comme hostile à l’esprit par ses mystères, au cœur par ses préceptes, aux sens par ses pratiques. » (Nicolas, Études philosophiques sur le Christianisme.)