Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dence ; et ceux qui la logent à leur foyer, le tort plus grand encore de la vouloir expulser. C’est du moins ce que pensent dans le secret de leurs cœurs les satisfaits de l’ordre établi, que trouble et scandalise le cri de la misère.

Pauvreté n’est pas vice, disent les bonnes femmes de Franche-Comté, mais c’est pis ! — Pis que le vice, entendez-vous, Monseigneur ? quelle pensée révolutionnaire ! C’est la première leçon de philosophie pratique que j’ai reçue ; et, je l’avoue, rien, d’aussi loin que je me souvienne, ne m’a autant donné à réfléchir.

Quand je fus au collége, je fus surpris de retrouver dans mes auteurs la même sentence, presque mot pour mot : Paupertas hoc habet durius in se quòd ridiculos homines facit : Ce qu’il y a de plus insupportable dans la pauvreté, c’est qu’elle vous rend ridicule. Je ne sais plus qui a dit cela. Pauvreté et dérision ! cela me tombait sur la joue comme un soufflet. M. de Mirecourt me le remet en mémoire, quand il me nomme, en gouaillant, Pierre-Joseph.

Silence au pauvre ! Ce fut le dernier mot de Lamennais en 1848, quand l’Assemblée constituante, par mesure d’ordre contre les pauvres, rétablit le cautionnement des journaux. Aux assises de la nation la pauvreté n’a pas la parole, elle est suspecte.

Il est des moralistes, il en est jusque dans le parti républicain, dont la vertu souffre impatiemment qu’on discute devant les masses ces questions de richesse, de salaire, de propriété, de distribution des produits, de bien-être. — Parlez-leur du devoir, du sacrifice, du désintéressement, de l’origine céleste de l’âme et de ses immortelles espérances, ils applaudissent ; mais des biens matériels, fi donc ! Il est messéant que dans une république la pauvreté se montre : Silence au pauvre !

Eh bien ! oui, Monseigneur, je suis pauvre, fils de