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sible d’entrer dans le paradis qu’à un chameau (d’autres disent un câble, je préfère le chameau) de passer par le trou d’une aiguille.

Jusqu’ici tout allait bien ; le système semblait se soutenir :

La pauvreté, à quelques exceptions près, générale : fait d’expérience.

Le vice et le crime, à quelques exceptions près aussi, général comme la pauvreté : autre fait d’expérience.

Un rapport de causalité de l’un à l’autre : fait probable.

Une grande expiation dans le présent : fait possible.

Une réparation proportionnelle dans l’avenir : fait désirable.

En attendant, un palliatif plus ou moins efficace, la charité : fait louable.

Ces idées se suivaient, s’enchaînaient avec un certain ensemble. Elles s’emparaient de mon entendement, sans pourtant le satisfaire. C’était comme un sophisme que ma raison ne pouvait réfuter, mais contre lequel ma conscience protestait. Je fus longtemps sans trouver une issue. Malheur au chrétien qui s’aventurera dans ce labyrinthe ! Il est sur la pente révolutionnaire, il court à l’incrédulité, il a déjà un pied dans l’abîme.

III

Fourier raconte que les mensonges mercantiles dont il fut témoin, jeune encore, dans la boutique de son père, furent pour lui la première révélation de sa mission de réformateur. Un fait tout opposé décida de la mienne. Mon père, homme simple, ne put jamais loger en son esprit que, la société dans laquelle il vivait étant livrée à l’antagonisme, le bien-être que tout industriel tend à se procurer est butin de guerre autant que produit du travail ; qu’en conséquence le prix vénal d’une marchan-