Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/221

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porel est un non-sens contre lequel protestent également communistes, saint-simoniens, phalanstériens et autres. C’est pourquoi je dis que ce qu’a fait ou tenté de faire le christianisme par son Église, tout mysticisme, tout respect transcendantal, pris pour principe et pour organe de la Raison pratique, s’il parvient à se développer, le fera : avis aux citoyens et citoyennes qui seraient tentés de prêter l’oreille aux suggestions des nouveaux religionnaires.

VI

Appliquons ce principe.

La corruption antique avait eu pour résultat, entre autres, d’agglomérer les propriétés ; l’immense majorité des habitants et sujets de l’empire étaient dépossédés, colons du fisc, sinon esclaves. Une réintégration générale était à opérer ; elle était attendue, et le christianisme dut à cette attente, qu’il parut d’abord favoriser, une partie de son succès.

L’Évangile est plein d’anathèmes contre les riches et de promesses aux pauvres : si jamais secte porta loin le scandale d’excitation à l’envie et à la haine, c’est assurément celle-là. Heureux les pauvres, avait dit le Maître, parce qu’ils auront leur tour ; heureux les pieux, parce qu’ils posséderont la terre ; heureux les affamés, parce qu’ils seront rassasiés !… Tel est, d’après le premier des évangiles, le début de la prédication messianique, début qu’il est impossible de prendre autrement que dans le sens d’une revendication matérielle.

Mais le christianisme, malgré sa vive appétence du temporel, reposait avant tout sur un ensemble d’idées religieuses. Du vivant même du fondateur, une Église s’était constituée qui dut aussitôt prendre en main la direction du mouvement, non plus seulement en vue des réparations sociales, mais en raison du dogme.