Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/304

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Sur ce, je repris la parole :

— Vous observerez d’abord, dis-je à mon interlocuteur, que votre patron travaille pour son propre compte, à ses risques et périls, sans engagement de la part de sa clientelle, vis-à-vis de laquelle il n’est tenu par aucun lien de droit. Dans ces conditions, qui sont celles de l’état de guerre, le prix de son service ne peut être limité que par la guerre, c’est-à-dire par la concurrence.

Or, telle n’est pas vis-à-vis du public la position de la Banque de France : elle est engagée par un contrat synallagmatique ou de réciprocité, dont il ne s’agit plus que de déterminer, avec précision, les articles.

En premier lieu, le capital social de la Banque, fixé à 91 millions, est placé en rentes sur l’État, qui en sert l’intérêt. De ce côté donc rien n’est dû par le commerce escompteur, puisque l’État qui paye à la Banque l’intérêt de son capital n’est autre que la société, le commerce lui-même, et qu’il est de principe en matière de commerce que le même service ne peut être payé deux fois.

Mais, demandez-vous, sur quel capital opère la Banque, puisque le sien est placé en rentes sur l’État ? — Elle opère, en premier lieu, sur le numéraire circulant, auquel elle substitue peu à peu les billets qu’elle a le privilége d’émettre, et qui vient ainsi s’engouffrer dans ses caves : c’est ainsi, lorsque la Banque émettait des coupures de 100 et de 50 fr., qu’on a vu son encaisse s’élever jusqu’à la somme énorme de 600 millions. — Elle opère en second lieu sur le crédit public, représenté par son portefeuille, dont chaque valeur, revêtue de trois signatures, porte en soi une garantie égale à celle du numéraire.

Le capital social de 91 millions 250,000 fr., placé en rentes sur l’État, ne sert que de cautionnement à la ponctualité et à la prudence de la Banque, comme le cautionnement d’un notaire ou d’un receveur général.