Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/310

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pouvoir, à défaut de l’action spontanée des citoyens, donne le branle, et en un jour, en une heure, toutes ces réformes, toutes ces révolutions peuvent s’accomplir.

Mais voyez le malheur ! cette large application de la Justice à l’économie, déplaçant le foyer des intérêts, intervertissant les rapports, changeant les idées, ne laissant rien à l’arbitraire, rien à la force, rien au hasard, soulevait contre elle tous ceux qui, vivant de priviléges et de fonctions parasites, se refusaient à quitter une position anormale à laquelle ils étaient faits, pour une autre plus rationnelle, mais qu’ils ne connaissaient point. Elle confondait l’ancienne école des soi-disant économistes ; elle saisissait à l’improviste les vieux de la république, dont l’éducation était à refaire ; qui pis est, elle annulait les décisions récentes de l’Église sur la question de l’intérêt, et par l’enchaînement des idées, tuait son dogme.

Trop d’intérêts et d’amours-propres se trouvaient compromis : je devais, en cette première instance, perdre ma cause. Un homme se trouva pour défendre, au nom de la liberté individuelle et de la félicité générale, le travail subalterne contre le service réciproque, le commerce agioteur contre l’égalité de l’échange, l’escompte à 15 p. 0/0 contre l’escompte à 1/8 p. 0/0, l’usure homicide contre la commandite gratuite, agricole et industrielle. M. Bastiat, qui n’avait pas même abordé la question, satisfait que j’eusse déclaré les anciens prêteurs, en raison de leur bonne foi et de la nécessité, non coupables, d’une voix unanime fut déclaré vainqueur. Les économistes poussèrent un cri de joie ; les politiques de la révolution, comptant sans doute sur les emplois de la république, applaudirent à la défaite de l’anarchie. Banque du peuple ! Crédit gratuit ! Folies ! écrivait naguère encore, après Daniel Stern, M. de Lamartine… Les socialistes virent avec bonheur la déroute de cette Justice