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3. — L’Église : pourquoi, malgré ses défaites perpétuelles, elle subsiste encore ?


L’existence de l’Église n’est pas moins merveilleuse dans sa longue durée que celle de la Révolution dans ses débuts. Toujours battue, elle a survécu à toutes les défaites, elle a grandi par l’humiliation, elle s’est nourrie pour ainsi dire de son adversité même.

Chose étonnante, que personne ne paraît avoir relevée, l’Église, qui aime tant à parler de ses triomphes, en réalité a perdu autant de batailles qu’elle en a livré. Elle a succombé dans toutes ses luttes : depuis Jésus-Christ jusqu’à Pie IX, elle compte ses années par ses désastres.

Qu’est-ce donc qui la fait vivre ? Comment expliquer le problème de cette étrange existence ?

Le problème de l’Église est, mais en sens inverse, le même que celui de la Révolution : la persistance de l’une et les embarras de l’autre tiennent à la même cause.

Formée par un concours de circonstances qui seront expliquées dans ces Études, l’Église du Christ s’alimente, se fortifie et s’engraisse du détritus d’autres églises, dont la dissolution est incessamment amenée par d’autres causes. Mais ces églises, elle n’en triomphe point, pas plus que l’arbre ne triomphe du cadavre enterré sous ses racines ; elle ne peut pas, je le répète, se vanter d’en avoir vaincu une seule. Une église, quelle qu’elle soit, ne se laisse jamais vaincre, cela est contre sa nature : elle se dissout d’elle-même, quelquefois elle se fusionne, ou bien on l’extermine.

Ainsi l’Église succombe dans sa lutte contre le judaïsme : le livre des Actes en contient l’aveu formel.