Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/335

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ditions qui viennent d’être déterminées, ne parait pas susceptible d’abus, et fournit au contraire, contre les envahissements du fisc, le plus énergique contrepoids. Sur les 50 ou 75 p. 0/0 restants de la rente, une part sera donc prélevée pour le budget ; l’autre appartiendra au propriétaire.

Que l’on dise, si l’on veut, que la proportion suivant laquelle je propose de répartir la rente manque de précision, c’est un inconvénient que je reconnais d’autant plus volontiers qu’il exprime le fait fondamental sur lequel repose toute la théorie, à savoir l’indéfinissabilité de la rente.

Mais ce que l’on ne me fera jamais regarder comme juste, c’est que, tandis que l’État n’accorde aux brevetés d’invention qu’une jouissance de quatorze ans, il livre à perpétuité la rente du sol ; c’est qu’il n’en réserve rien pour le fermier ; c’est qu’il écrase d’impôts l’industrie, le commerce, le travail, pendant qu’il se prosterne devant une prélibation trop souvent parasite, et qui ne peut invoquer en sa faveur que le préjugé des siècles, le silence de la multitude et la mythologie du culte.

Quoi ! la communauté a d’innombrables charges, des travaux à exécuter, une police, une administration, des écoles à entretenir, et vous prétendez couvrir ces frais, balancer ces dépenses avec mon salaire ? Mais mon salaire, la moyenne de ce qu’un travailleur moyen dépense par jour, mon salaire c’est mon sang, c’est ma vie ; vie pesée, mesurée, balancée, nombrée, avec toute la sévérité de la Justice. Prenez la rente !

Vous voulez imposer la circulation, l’étalage, l’habitation, les mutations, l’initiative personnelle, le jour, la nuit, l’air, l’eau, le feu, la naissance, le mariage, la mort !… Mais toutes ces choses sont comme le travail et le salaire : la balance faite, il n’y a plus rien à en tirer.