Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/43

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tout avantage à se demander de prime abord : si la Raison théologique n’est pas la négation même de la Raison juridique, et vice versâ ; si par conséquent, tandis que l’Église accuse la Révolution du scepticisme et de l’immoralité modernes, ce ne serait pas elle qui, par sa théologie, ayant obscurci de longue main les intelligences, aurait altéré en elles le sens du Droit et produit la dissolution qui nous tue ?

Qu’est-ce que la Religion, et qu’est-ce que la Justice ? Que sont-elles l’une à l’autre, et quelle est, dans la vie des peuples, leur fonction respective ? Tel est le problème. Il importe de le saisir dans son universalité, à peine de tomber dans de nouvelles et plus pitoyables illusions.

Généralement, dans le monde éclairé, on se sépare ostensiblement de la pure orthodoxie. On sourit de la Révélation, telle que la proposent les Écritures ; on rejette les prophéties, les miracles, toutes les naïvetés de la légende. Mais on aime à se dire spiritualiste, théiste ; on admet volontiers une inspiration, une action permanente du Ciel dans l’Humanité ; on s’incline devant la Providence ; on regarde comme un monument de cette influence d’en haut la propagation de l’Évangile ; on n’est pas loin de dire avec Napoléon que le Christ était plus qu’un homme…

Tout cela a-t-il le sens commun ? Est-ce que la Révélation et tout ce qui s’ensuit n’est pas impliqué dans l’hypothèse spiritualiste, la théologie déterminée à priori par la notion de Dieu et de ses rapports avec l’homme ; et cette théologie ou théodicée peut-elle être autre chose que le catholicisme ?