Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/455

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était une mesure d’exception que l’on devait abréger le plus possible. Il est clair que ce que la fatalité excuse et que l’Église absout, la conscience humaine le réprouve : de quel côté, s’il vous plaît, est la morale ?

En ce qui touche le gouvernement, répond l’Église, on peut dire que tout est exceptionnel, puisque, d’après le principe de la chute et en vertu de la rédemption qui a suivi, la condition de l’humanité est extra-légale, surnaturelle, toute de grâce et d’exception.

Toute la politique de l’Église, toute sa police, dérive de cette idée.

L’Église a eu la main dans les affaires d’Orient. Lorsque éclata la querelle, deux tendances se manifestèrent en Europe, l’une pour une solution pacifique, l’autre pour la voie des armes. Les plus intelligents, les plus amis de la Justice et de la liberté croyaient que la diplomatie pouvait faire en 53 ce qu’elle a fait en 56 ; ils disaient que la guerre n’était plus de ce siècle, protestant avec d’autant plus de force qu’à leur avis la guerre ne déciderait rien, et que la victoire, quelle qu’elle fût, ne serait guère moins préjudiciable au vainqueur qu’au vaincu. L’ambition, l’orgueil des princes, la convoitise des États, le chauvinisme démocratique, l’instinct de lutte et de pillage qui anime les masses et les pousse à la guerre, l’emportèrent.

Or la guerre, c’est la suspension de tous les rapports économiques, politiques, juridiques, entre les nations ; c’est la suspension de la morale.

De quel œil l’Église, maîtresse de morale, a-t-elle vu la guerre ? Comment n’a-t-elle point paru au congrès de la paix ? Est-ce que le principe de catholicité ne lui commandait pas d’évoquer le litige à sa barre, et, si son autorité était méconnue, de s’abstenir ? N’est-elle pas l’amphictyonie chrétienne ?...