Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/472

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nigme : chute du paganisme, abolition de l’esclavage, fin de l’empire des Césars, transformation de la société, promulgation d’un nouveau dogme, nous admirons ce génie divinateur, que la contradiction de sa propre pensée ne peut retenir, et nous disons : Honneur à la révolte !

Certes, si l’esprit peut être frappé de religion, il ne le peut être qu’au regard de l’esprit : il répugne que ce qui pense s’incline devant ce qui ne pense pas. Faut-il maintenant se demander pourquoi la société, ayant nié le Destin, s’agenouilla devant la Providence ? La Providence, c’était elle, c’était son image…

Mais voici qu’une révolte, plus formidable que la première, fermente au cœur des multitudes fascinées ; conjuration dont l’idée écrase, titanique en son audace, monstrueuse en sa formule : il ne s’agit de rien moins que d’une révolte contre la Providence elle-même.

L’homme, l’être qui pense, qui réfléchit, qui raisonne, qui délibère, qui voit le principe et la fin des choses ; l’homme, sans cesse occupé du lendemain, tourmenté de sa destinée individuelle et sociale, spéculant à perte de vue sur les causes finales, le but de la création, le pourquoi de l’univers ; cet homme, dont la pensée peut se définir une longue prévision, s’insurger contre la Providence, contre l’idéal de son propre entendement : quoi de plus inconséquent, de plus fou ? Qui nous donnera de voir l’interprétation de cet autre mystère ?…

Je constate le fait, non sur la clameur populaire : le peuple, qui ne sait ni d’où il vient ni où il va, incapable d’ailleurs, quand il obéit à une pensée nouvelle, de la revêtir d’une expression propre et adéquate, le peuple ici ne nous dit rien. Et les agitateurs avec leurs manifestes, et les philosophes avec leurs utopies, ne nous en apprennent pas davantage. Tous suivent la multitude, qu’ils semblent conduire, engagés comme elle dans la tradition, les