Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/48

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sable à la morale, de me croire plus capable que l’Église, plus capable que le genre humain, qui y a travaillé plus de soixante siècles, de déduire en théorie et de réaliser en pratique une telle idée. Je me serais incliné devant une foi si antique, fruit de la plus savante et de la plus longue élaboration dont l’esprit humain ait donné l’exemple ; je n’aurais point admis un seul instant que des difficultés insolubles dans l’ordre de la science conservassent la moindre valeur dès qu’il s’agissait de ma foi ; j’aurais pensé que c’était là précisément ce qui faisait le mystère de ma religion, et pour avoir écharbotté quelques filasses métaphysiques, je ne me serais pas cru un révélateur. J’aurais craint surtout d’ébranler chez les autres, par des attaques imprudentes, une garantie que moi-même j’aurais déclarée nécessaire.

Voilà ce que, dans la logique de mon hypothèse, je n’eusse jamais fait, d’autant moins qu’après tout, comme je l’ai dit tout à l’heure, une semblable controverse, propre à jeter la perturbation dans les consciences, ne pouvait aboutir à une solution.

Je le répète : l’Église a succombé dans toutes ses luttes, et elle subsiste, quitte à signer des pragmatiques sanctions et des concordats, à simuler un accord de la raison et de la foi, à accommoder ses textes bibliques aux données de la science, à mettre dans ses mœurs un peu plus de réserve, dans son gouvernement un semblant de tolérance.

Comme le roseau de la fable, elle plie et ne rompt pas. Au train dont la mènent ses ineptes rivaux, elle durerait, en pliant toujours, encore dix-huit siècles.