Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/524

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elles ont mérité leur sort. Mais pourquoi faire recommencer à ces nations, sous le drapeau de la raison d’État, une carrière achevée ?… La Révolution s’amuserait-elle, comme l’empereur Napoléon Ier, taillant et recoupant la Confédération germanique, à remanier des agglomérations politiques, à faire une Pologne, une Italie unitaires ?… La Révolution, en rendant, par la pondération des forces, et la balance des services, les hommes égaux et libres, leur laisse le soin de se grouper eux-mêmes, au gré de leurs tendances naturelles et de leurs intérêts.

D. — Le principe dynastique a-t-il quelque chance de se relever ?

R. — Il est certain que la France n’a pas cru jusqu’ici que liberté et dynastie fussent choses incompatibles. L’ancienne monarchie, en convoquant les États généraux, engagea la Révolution ; la constitution de 1791, les chartes de 1814 et 1830, témoignent du désir qu’avait le pays de concilier le principe monarchique avec la démocratie. La popularité du premier empire fournit un argument de plus à cette thèse. La nation trouvait à cela toutes sortes d’avantages : on conciliait, semblait-il, la tradition avec le progrès ; on satisfaisait aux habitudes de commandement, au besoin d’unité ; on conjurait le péril des présidences, des dictatures, des oligarchies. Lorsqu’en 1830 Lafayette définissait le nouvel ordre de choses une monarchie entourée d’institutions républicaines, il concevait ce que l’analyse nous a révélé, l’identité de l’ordre politique et de l’ordre économique. La vraie république consistant dans la balance des forces et des services, on se plaisait à voir une jeune dynastie tenir cette balance et en garantir la justesse. Enfin l’exemple de l’Angleterre, bien que l’égalité y soit inconnue, celui des nouveaux états constitutionnels, confirment cette théorie.

Sans doute l’alliance du principe dynastique avec la liberté et l’égalité n’a pas produit en France le fruit qu’on en attendait ; mais ce fut la faute du fatalisme gouvernemental : l’erreur fut ici commune aux princes et à la nation. Bien plus, quoique les partis dynastiques se soient montrés depuis 1848 peu favorables à la Révolution, la force des choses les y ramène ;