Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/60

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pays sait qu’il ne croit plus à rien : 1848 aura du moins eu ce mérite de l’en faire apercevoir. Sommes-nous de taille, hommes de la Révolution, à le faire croire à quelque chose ? J’ose l’espérer. Après cinq ans de silence, si je reprends la plume, ce n’est certes pas pour guerroyer contre des fantômes dont le bon sens public suffit à faire Justice. Paix aux mourants, respect aux morts.

La Révolution était passée à l’état de mythe. Je viens, le premier, en présenter l’exégèse.

J’ignore si cette Révolution, qui a commencé glorieusement par la France, se poursuivra par la France. Soixante années de folie rétrograde nous ont tant vieillis, nous sommes si bien expurgés de tout ferment libéral, que le doute sur notre droit à l’hégémonie des nations est permis.

Quoi qu’il advienne cependant de notre race fatiguée, la postérité reconnaîtra que le troisième âge de l’humanité a son point de départ dans la Révolution française ; que l’intelligence de la nouvelle loi nous a été donnée dans sa plénitude ; que la pratique ne nous a pas non plus tout à fait manqué ; et que succomber dans cet enfantement sublime, après tout, n’était pas sans gloire.

À cette heure, la Révolution se définit : elle vit donc. Le reste ne pense plus. L’être qui vit et qui pense sera-t-il supprimé par le cadavre ?